Le 14 novembre au Palais du peuple à Conakry, le Premier ministre, Bernard Goumou, a lancé les états généraux sur le foncier. Ils se dérouleront du 14 au 17 novembre et seront animés par des administrateurs (centraux, déconcentrés et décentralisés), acteurs du secteur privé, de la société civile, ainsi que des acteurs ruraux (notabilité, coutumiers). Des chercheurs, universitaires, partenaires techniques et financiers, experts nationaux et étrangers prennent part à la rencontre.

Les états généraux sur le secteur foncier sont co-organisés par le ministère de l’Habitat et celui de l’Agriculture, avec l’appui des partenaires techniques et financiers. La Guinée vise à réformer le secteur foncier, source de conflits récurrents. Les objectifs sont, entre autres, garantir la sécurité foncière, préserver les domaines de l’Etat, promouvoir les investissements publics et privés, développer les activités économiques dans un climat apaisé.

Ibrahima Sory Bangoura, le ministre de l’Habitat, de l’urbanisme et de l’Aménagement du territoire, estime que la maîtrise de la problématique foncière permettra au gouvernement de mieux organiser les établissements humains, créer des meilleures conditions pour un développement harmonieux. «En Guinée, malgré une amélioration du cadre légal, on assiste à une gestion mitigée du foncier. Le bilan de 30 ans de mise en œuvre du Code foncier et domanial démontre que nombreux défis restent à relever en vue d’assoir une véritable gouvernance responsable et durable des ressources foncières. Les autorités en charge de la mise en œuvre du Code foncier et domanial ne parviennent pas à empêcher l’occupation anarchique et la vente illicite des domaines publics. D’où le taux important de la vente des domaines de l’Etat, des terres agricoles ou pastorales par des spéculateurs fonciers», regrette-t-il. Et de souligner les conflits domaniaux qui opposent régulièrement agriculteurs et éleveurs, ou qui mettent aux prises miniers et communautés. 

Obstacles

Macky Bah, le directeur Pays de l’ONG Acord, déclare que l’insécurité alimentaire et les problèmes d’accès au foncier constituent des «obstacles majeurs» au développement de la Guinée. Face à ces «obstacles porteurs de menaces pour la quiétude de la population», une approche d’ensemble s’impose afin d’améliorer la gouvernance foncière en Guinée, soutient-il. «Le système foncier guinéen est caractérisé par la coexistence du droit moderne et des pratiques coutumières. La population exprime des inquiétudes face à la tendance actuelle de privation du patrimoine foncier national et au dynamique d’urbanisation qui s’accélère. Elle attend une amélioration des conditions de reconnaissance de ses droits à travers des procédures de sécurisation foncière et accessible. Elle souhaite que cesse le détournement d’usage des terres et pratiques illégales de taxation, de cession d’un même domaine à plusieurs personnes », plaide-t-il, au nom de la société civile. Et de recommander l’adoption d’une loi foncière agricole «bâtie autour d’une politique foncière agricole cohérente et inclusive», ainsi que de systématiser et sécuriser les domaines des groupes vulnérables et le consigner dans les futurs textes de lois en la matière. 

Conflits domaniaux

Le Premier ministre, Bernard Goumou, déclare qu’en Afrique, la faiblesse du foncier est à l’origine de nombreuses crises et conflits entre communautés. En Guinée, affirme-t-il, près de 70% des conflits devant les cours et tribunaux sont consacrés aux litiges sociaux, car «notre registre du foncier est en panne». M. Goumou estime que moins de 25% des parcelles et domaines sont titrés en Guinée. «La situation est d’autant plus critique que la pression sur le foncier urbain, rural, maritime et public s’accentue avec la croissance démographique entraînant l’expansion de l’urbanisation. Il est primordial qu’une analyse objective de la situation foncière soit menée en vue de formuler des recommandations dans la mise en œuvre de la réforme du secteur. Un foncier sécurisé et accessible favorise et rassure les investisseurs aussi bien publics que privés. De même, il prévient les conflits sociaux et favorise l’inclusion et contribue à l’autonomisation des femmes rurales».

Gbèhounou Gualbert, le représentant de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation) en Guinée, indique que la pression sur les ressources naturelles est un défi qui s’intensifie à un rythme exponentiel. «La gouvernance foncière est l’interface de la gestion des ressources, conditionne la capacité à promouvoir le développement économique qui assure des conditions de vie descentes pour toutes les communautés». M. Gbèhounou rappelle que les questions foncières font partie des activités prioritaires de la FAO dans sa contribution à la lutte contre la faim et la pauvreté dans le monde. «Les états généraux sur le foncier est une occasion pour élaborer une politique foncière nationale et améliorer les textes réglementaires », conclut-il. Son institution apporte au projet 212 mille dollars.

Yaya Doumbouya