La CEDEAO et la Guinée sont désormais comme le forgeron et le fer. Le premier ne peut utiliser le second que s’il le met dans le feu. Il avait fallu brandir une série de sanctions contre la Guinée pour que la junte militaire revoie la durée de la transition à la baisse. Passant de 36 à 24 mois. C’est encore suite à cette menace que se tient le dialogue actuel, que certains qualifient de séminaire gouvernemental.

Un dialogue où les interlocuteurs sont sélectionnés. Ce sont ceux qui sont d’accord sur tout, ou presque, qui se retrouvent pour dialoguer ou comploter. C’est selon. Ces assises ressemblent aux consultations que le président Grimpeur avait organisées pour s’octroyer le suicidaire troisième mandat.

Fort malheureusement pour Mamadi Doumbouya, n’est pas Alpha Grimpeur qui le veut. Ce dernier avait réussi à obtenir, sinon l’adhésion de ses pairs à son coup de force, tout au moins leur silence. Un mutisme qui a coûté cher à l’organisation ouest-africaine, accusée d’être un syndicat des chefs d’Etat. La complaisance voire la complicité de la CEDEAO avec le coup d’Etat civil, que les thuriféraires de Conakry avaient présenté comme le premier mandat de la quatrième République, a entamé sérieusement la crédibilité de cette organisation. Et visiblement, celle-ci entend redorer son blason avec les coups d’Etat militaires.

C’est donc pour relever ce défi que les 12 pays, où règne l’ordre constitutionnel, ont rappelé à la Guinée que son présent dialogue n’en est pas un. Une compétition où on choisit l’adversaire est un simulacre. C’est pourquoi l’organisation régionale réclame avec insistance un dialogue inclusif. Plus loin dans son communiqué, elle exige dans des termes très diplomatiques le retour des exilés ainsi que l’engagement de la junte pour garantir leur sécurité ou, à défaut, la relocalisation du dialogue dans un pays tiers.

Pour la communauté ouest-africaine, l’objectif est très clair : il s’agit de permettre aux deux bêtes noires de la junte et ses alliés de participer au dialogue. Le moins que l’on puisse dire est que le duo Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, auquel la CEDEAO fait allusion, continue de hanter des esprits dans ce pays. C’est à cause de ces deux hommes que l’ancien et probable futur candidat du RPG aux élections a incarné l’image d’un « opposident » pendant 11 ans. Son successeur n’en souffre pas moins.

Lui à qui la CEDEAO demande de revoir la copie du dialogue. Afin que les négociations se fassent entre ceux dont les positions sont opposées. Mais lorsque vous appelez ceux qui sont d’accord sur toute la ligne pour dialoguer, cela s’appelle retrouvaille amicale. D’ailleurs un des participants a fait parler son cœur en disant que les absents viendront quand ils auront faim. Comme pour dire que le fameux dialogue est synonyme de se remplir le ventre. Mais aussi les poches. Et pourquoi pas les comptes.

Sachant que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, Mamadi Doumbouya doit tirer les leçons du sort de ses prédécesseurs. Rarement un pays d’Afrique au sud du Sahara a consenti autant de sacrifices que la Guinée pour l’instauration de la démocratie et de l’Etat de droit. La grève de janvier et février 2007 revendiquait une gouvernance plus vertueuse. Et la manifestation qui a abouti à la tragédie du 28 septembre 2009, dont le procès est en cours, exigeait la démocratie. A eux seuls, ces deux événements constituent l’illustration la plus parfaite de la résistance du peuple de Guinée contre la dictature et la mauvaise gouvernance.

Habib Yembering Diallo