Mercredi 11 janvier 2023, 35ème jour du procès du massacre du 28 septembre 2009, 9ème jour de comparution du capitaine Moussa Dadis Camara, inculpé pour, entre autres, complicité de meurtre, assassinats, pillages, incendie volontaire. Une journée électrique, parce que l’accusé fait face aux feux roulants de questions des avocats de la défense de son coaccusé Toumba Diakité à qui il porte la responsabilité du massacre du 28 septembre 2009.

Dès l’entame des questions, Moussa Dadis Camara s’énerve lorsque Maître Lanciné Sylla essaye de démontrer que la thèse du complot qu’il a avancée depuis le début de son audition ne tient pas. L’avocat rappelle que le fait d’encenser Cellou Dalein Diallo ne peut pas être à son avantage, puisque celui-ci est une victime du massacre de 2009. Un échange qui a mis Dadis dans tous ses états : «Par rapport à votre client (Toumba) et le rapport de Monsieur Cellou Dalein en fait foi, il est parti au stade, il n’y avait pas de tirs au stade. C’est lorsque votre client est arrivé au stade que les tirs ont commencé. Sinon, les leaders avaient fini leur meeting. Tous ces faits, c’est la faute à votre client  Toumba. Même si vous êtes le plus grand  avocat, vous ne pouvez pas blanchir votre client. Je vous le dis,  c’est Monsieur Toumba avec cette forme pyramidale », rétorque Dadis, qui s’attaque à l’avocat Me Lancinè Sylla lui disant qu’il ne peut monopoliser la parole. Même qu’il n’apprécie pas sa manière de poser des questions.

Mise au point

 Pour stopper cet échange houleux qui frise à un tohubohu,  le président du tribunal, Ibrahima Sory 2 Tounkara, demande à Moussa Dadis Camara de « se calmer, de chercher à comprendre les questions pour pouvoir les répondre. Dès au début, on vous a dit qu’on va vous poser des questions, mais si vous vous énervez comme cela à l’entame, ça va être très compliqué. C’est pourquoi, vous devez vous calmer ». Que nenni. El Dadis rétorque que sa réaction est due à l’attitude de l’avocat : « Monsieur le président, dans ses commentaires, il me manque du respect », soutient-il. Le président du tribunal répond : « Dès qu’on va vous manquer de respect, le tribunal va intervenir pour dire de ne pas vous manquer de respect. Jusque maintenant, on n’est pas en train de vous manquer du respect. Seulement, vous êtes énervé. Ne voyez le client de l’avocat qui vous pose des questions,  voyez l’avocat ». L’ancien putschiste dit avoir compris. Et le dialogue se poursuit.

Dans sa logique de déconstruire la thèse de complot avancée par Moussa Dadis, Maître Lansinè Sylla poursuit en démontrant qu’à l’époque, le général Sékouba Konaté, ministre de la Défense était de mèche avec lui en tant que Président de la transition, pour se maintenir au pouvoir. D’ailleurs, la mission de Macenta le 28 septembre 2009, en est une illustration. Puisque ce jour, devant les populations le général Sékouba avait lu un discours qui encensait Moussa Dadis, en vue d’une éventuelle candidature, déclare l’avocat. Ce que l’accusé a rejeté d’un revers de la main, tout en disant que c’était cela le complot. «Pour vous dire que c’est un complot, comment les leaders se mobilisent à Conakry pour lutter contre mon éventuelle candidature et que lui, ministre de la Défense qui était jugé proche de moi, aille faire un discours pour enflammer. C’était de mettre de l’huile sur le feu. C’est cela le complot », affirme Dadis.

Me Sylla précise que Sékouba Konaté a voyagé dans le seul hélicoptère présidentiel de l’époque et en compagnie de Papa Koly Kourouma, l’un de ses plus proches. Le climat entre l’avocat et l’accusé devient de plus en plus délétère, l’accusé finit par refuser de répondre à la plupart des questions.  Sauf qu’au moment où l’avocat a demandé qui était le commandant du régiment? Moussa Dadis s’empresse pour répondre que c’est Toumba Diakité. « Est-ce qu’il y a un décret le nommant ? », balance Me Sylla. L’accusé brandit un document dans lequel se trouverait la signature de Toumba affectant 26 militaires auprès de sa garde. L’avocat insiste : Est ce qu’il y a un décret ? Moussa Dadis Camara brandit toujours son document, comme preuve.

Abordant le cas Moussa Tiegboro Camara, un autre accusé, Maître Sylla lut le PV de Moussa Kéita, ancien Secrétaire permanent du CNDD, qui a affirmé que « c’est le président Moussa Dadis qui avait donné l’ordre à Tiegboro d’aller au stade ».  Ce qui a irrité El Dadis qui crie, en répondant que ce sont des allégations. « Maître, c’est vous qui le dites, le droit pénal, ce n’est pas le verbiage. Vous ne pouvez pas dire du n’importe quoi sur moi. Tiegboro Camara est là, il n’est pas manipulable, il a dit ici que je ne lui ai pas donné d’ordre ».

Le procès se poursuit avec les questions des avocats de Toumba Diakité, dans une ambiance électrique.

Ibn Adama