Parti de la Guinée depuis avril 2022, Cellou Dalein Diallo vit désormais en exil. Le président de l’UFDG, très rare dans les médias, a brisé le silence, le 23 janvier, chez nos confrères de Fim fm. Son exil, le cadre du dialogue, Alpha Condé, le procès des présumés responsables des évènements du 28 septembre 2009, l’opposant n’a pas fait dans la dentelle.
Aux premières heures du coup de force du dimanche 5 septembre, Cellou Dalein Diallo ne s’est pas fait prier pour applaudir des deux mains. L’ancien Premier ministre et ses militants avaient subi de plein fouet les 11 ans de règne d’Alpha Condé. Il espérait du colonel Doumbouya et de son CNRD une collaboration franche et un retour rapide à l’ordre constitutionnel. Mais l’idylle n’a été que de courte durée. L’espoir suscité s’est éteint peu à peu et le divorce a été consommé quand la junte a décidé de l’expulser de son domicile de Dixinn-port, mais aussi de le trimballer devant la CRIEF pour, dit-il, avoir « vendu la compagnie nationale Air-Guinée». L’opposant s’est finalement exilé, a vu sa maison réduite en poussières par les pelleteuses de la junte.
Aujourd’hui, Cellou Dalein Diallo, son parti et bien d’autres entités s’opposent à la gestion jugée cavalière de la transition. Il se dit déçu de l’écart entre les promesses du colonel Doumbouya en date du 5 septembre et les actes qu’il pose actuellement. Le président de l’UFDG réclame toujours un dialogue franc et sincère : «Nous voulons un dialogue inclusif avec la participation de la société civile, du CNT et des partenaires techniques et financiers pour qu’on aborde des questions liées au retour à l’ordre constitutionnel ». Il invite le Chef de la junte à revenir à de meilleurs sentiments, à recadrer la transition pour le bien de la Guinée : « Vous devez prendre des mesures courageuses à la hauteur de votre charge, faire cesser le harcèlement judiciaire des leaders politiques et de la société civile. Vous devez agir pour renforcer l’indépendance de la justice et garantir l’impartialité de l’Etat».
Parmi les recommandations issues du cadre du dialogue ‘’inclusif’’, il y en a une qui fait mention de la fixation des âges minima et maxima pour se présenter à la prochaine présidentielle. Beaucoup y voient une manière subtile d’évincer les poids lourds de la scène politique guinéenne. Cellou Dalein Diallo ne compte pas se laisser marcher dessus. Il prévient déjà que « rien de durable ne se fera sans l’inclusion de l’ANAD, du FNDC-politique, du RPG ARC-EN-CIEL et alliés. Eux seuls représentent plus de 95% de l’électorat du pays».
Dalein en contact avec Alpha Condé
Il se murmure depuis quelques mois que le président de l’UFDG, pour barrer la route à la junte, a renoué le contact avec le Président déchu, Alpha Condé. Ce dernier et Dalein auraient eu plusieurs échanges téléphoniques. Non seulement l’opposant le confirme, mais il se dit prêt à conjuguer les efforts avec son ancien adversaire pour faire fléchir la junte : «J’ai parlé avec Alpha Condé. Au départ, j’étais un peu réticent, mais c’est un Guinéen». Le champion du RPG a beau faire subir des tracasseries à son opposant et à ses militants, Cellou ne semble pas lui en tenir rigueur. Il semble préoccupé par le retour à l’ordre constitutionnel : « L’UFDG a pour vocation de regrouper les fils du pays. J’ai finalement parlé avec lui. Je n’ai pas l’habitude de mettre sur la place publique mes échanges avec les personnalités. Nous avons un certain nombre d’objectifs que nous partageons. Nous voulons une transition réussie et apaisée. C’est pour cela que nous avons décidé de joindre nos efforts pour exiger le retour à l’ordre constitutionnel par des élections crédibles, inclusives, libres et transparentes».
Au-delà de la démolition de sa maison sans décision de justice, Cellou Dalein a à ses trousses la CRIEF. Il est soupçonné par la juridiction spéciale d’être le responsable de la cession de l’un des avions. Des infractions qu’il réfute catégoriquement. Mais sur son retour en Guinée, l’opposant reste mesuré : « Je souhaite m’assurer que la justice est une justice indépendante, qui doit dire le droit rien que le droit, mais si je m’en tiens à ce qu’elle fait actuellement, naturellement j’ai des raisons de douter ».
« C’est Sankara qui a tiré sur moi »
Le procès des présumés auteurs et commanditaires des massacres du 28 septembre 2009 se déroule depuis le 28 septembre 2022, devant le tribunal criminel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. Une dizaine d’accusés répondent, entre autres, de « Viol, assassinat, meurtre, association de malfaiteurs, complicité…». Cellou Dalein Diallo était au stade ce jour. Il y avait été blessé. Au lendemain de ces événements tragiques, il avait accusé Toumba Diakité et ses hommes. Aujourd’hui, il se réjouit de l’ouverture du procès et révèle celui qui avait tenté de l’éliminer : « Je n’ai pas vu qui a tiré, qui a donné les ordres. J’ai néanmoins vu les gens armés arriver. Je ne connaissais pas tout le monde. J’étais à la tribune avec les autres. Tout ce que je sais, c’est que j’ai reconnu une seule personne qui est Toumba que j’ai vu venir vers le portail du gauche. Je ne sais pas qui a tiré sur les autres, mais ce que je sais, c’est que c’est le nommé Sankara qui a tiré sur moi et mon garde du corps Ousmane Sylla a pris la balle».
Yacine Diallo