Depuis quelques jours le ministre de la Justice, Garde des Sceaux a entamé un périple dans les différentes préfectures du pays. Charles Wright compte toucher du doigt les réalités quotidiennes des acteurs de la chaine pénale, mais aussi celles des prisonniers. Le ministre, « outré» par les conditions de détention de ceux qui sont en conflit avec la loi et le comportement peu « orthodoxe» de certains cadres de la justice, annonce des tribunaux de première instance à la place des justices de paix.
Des justices de paix, il en resterait encore 14 en Guinée. Quatorze juridictions au sein desquelles le juge est à la fois juge et partie. Dans une justice de paix, le juge joue aussi le rôle du parquet. Elles seront bientôt un souvenir, si l’on en croit aux déclarations du ministre la Justice. En déplacement dans des préfectures comme Faranah, Kissidougou, Guékédou, Macenta ou encore N’Zérékoré, Alphonse Charles Wright a décidé de supprimer les justices de paix. En lieu et place, ce sont des tribunaux de première instance qui verront le jour. Il ne cache pas sa déception quant au fonctionnement actuel de certaines juridictions de l’intérieur. Il dit vouloir donner la même chance à tous les citoyens en conflit avec la loi en Guinée : «Dans toutes les justices respectueuses des droits humains, il est dit que celui qui poursuit ne doit pas être celui qui juge. C’est une atteinte à la présomption d’innocence. Malheureusement en Guinée, on a encore cette vieille culture de justice de paix. Dans une justice de paix vous avez une justice à formation unique où le juge de paix est à la fois procureur et juge. En application de la loi L019 portant organisation judiciaire en Guinée, il n’y aura plus de Justice de paix en République de Guinée ».
Charles Wright sait qu’il sera difficile d’installer tous ces TPI en même temps, compte tenu de l’effectif « insuffisant » de magistrats, d’acteurs de la chaine pénale bien formés voire du déficit d’infrastructures dignes d’un tribunal d’instance. Mais il ne compte pas lâcher prise. Dans quelques jours, annonce-t-il, les dispositions règlementaires seront prises pour matérialiser la décision : «Compte tenu du fait que pour qu’il y ait un tribunal de première instance, il faut un effectif de magistrats, cette proposition a conduit à une disposition transitoire. En attendant la mise en place de ces TPI, les justices de paix vont continuer à garder leurs statuts. Mais une note circulaire va être prise dans les jours à venir pour mettre en application la disposition légale en matière d’organisation judiciaire dans notre pays, il n’y aura plus de justice de paix en Guinée. Il faut qu’il y ait un président du tribunal et un procureur. Cela va permettre d’avoir un contrôle effectif sur la chaîne pénale».
Les TPI, vraiment la solution?
Le Garde des Sceaux veut peut-être tout régler, et toute suite, mais rien n’indique que les tribunaux de première instance vont régler définitivement les problèmes du secteur judiciaire. Ils sont déjà installés dans la plupart des grandes villes du pays, mais les détenus en attente de jugement en font toujours les frais. Les lenteurs dans les traitements des dossiers, les conditions de détention inadéquates, les renvois intempestifs des audiences, notamment à Conakry…, ces TPI ne montrent pas le bon exemple. Il est même devenu une habitude de voir des détenus pour des délits mineurs, faire des années et des années à la Maison centrale de Coronthie sans croiser une seule fois le chemin d’un juge d’instruction. Le ministre lui-même en a fait le constat.
Yacine Diallo