Le 7 février, au tribunal de première instance de Dixinn délocalisé à Kaloum, le dernier des accusés, qui comparaissent dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009, a été appelé à la barre. Paul Mansa Guilavogui fait face à un chapelet de griefs : non-assistance à personne en danger ; coups et blessures volontaires, tortures, séquestrations et injures… Il plaide non coupable, mais reconnaît des cas de tortures au camp Koundara, autrement appelé Makambo.

Réputé « indiscipliné » au sein de la grande muette, ce fantassin, fils de militaire, soutient qu’il était à Kankan où il servait, le 28 septembre 2009. Il ne serait venu à Cona-cris que cinq jours après le massacre, pour prendre sa solde. C’est justement de là que semblent venir ses ennuis. Ses supérieurs hiérarchiques d’alors, dont feu le général Souleymane Kélèfa Diallo (mort dans un crash d’avion en 2013 près du Liberia),  l’auraient accusé d’avoir voyagé sans permission. Surtout, d’avoir participé à la répression au Stade du 28 Septembre. Des soupçons à la base de la radiation du sergent-chef des effectifs de l’armée guinéenne.

Mais avant, Paul Mansa Guilavogui a servi au camp Koundara (Boulbinet, Kaloum), rebaptisé Makambo en hommage à Joseph Makambo, un des martyrs de la sanglante rixe du 3 décembre 2009, entre l’ancien putschiste El Dadis Camara et son ex aide de camp Aboubacar Toumba Diakité. Le premier déchu du pouvoir après avoir reçu une balle à la tête tirée par le second, s’ensuit une chasse à l’homme déclenchée par les bidasses loyalistes contre tous ceux qui sont soupçonnés d’avoir aidé Toumba ou de laxisme. En tête, les pensionnaires du camp Koundara, théâtre de la bataille sanglante.   

Le bidasse accusé en a fait les frais : il aurait été enfermé deux mois durant à la Base militaire (Yimbaya, Matoto), coupé de tout contact avec sa famille, puis auditionné par le colonel Moussa Tiégboro-bara Camara, également dans le box pour la même affaire. « Quand on dit à un voleur d’arrêter un autre…Ceux qui m’ont auditionné ne savaient pas qu’on allait se retrouver ici », nargue Paul Mansa Guilavogui.  « C’est après que j’ai su qu’on m’a arrêté pour le massacre du 28 septembre…Depuis que j’ai dit que je connais Toumba, je suis devenu leur cible », remarque-t-il.

« Beugré », l’ombre de Toumba ?

S’il dit ne rien savoir sur le massacre du 28 septembre 2009, il témoigne cependant d’exactions commises en marge de ce triste épisode. « Si je dis qu’ils n’ont pas envoyé des gens au camp Koundara, c’est que je ne suis pas Guinéen. Mais qui commandait là-bas ? C’est Beugré (adjudant-chef Mohamed Camara, ancien commandant du camp Koundara, une des victimes des représailles de l’attentat contre Dadis). Il torturait des gens là-bas, les frappait », charge l’accusé. Devant les juges d’instruction, ce dernier aurait mis en avant la complicité entre Beugré et Toumba, leur présence au Stade, ainsi que celle de leurs hommes le jour du massacre. En réalité, c’est « Toumba qui commandait le camp Koundara », aurait-il juré. La main sur le palpitant.

Paul Mansa Guilavogui s’est rétracté à la barre, assurant n’avoir jamais tenu de tels propos. Il argue du fait qu’il n’avait ni avocat ni interprète lors de l’instruction. Il met donc la responsabilité des tortures perpétrées dans cette caserne militaire, devenue selon certains le refuge de Toumba après le massacre, sur la seule tête du défunt Mohamed Camara alias Beugré. Or, plusieurs parties civiles accusent l’accusé d’y avoir participé. Lorsqu’on lui demande comment ces dernières ont pu l’identifier, il prétexte : « J’ai apporté du beurre de karité à un des manifestants qui avait sa main enflée. J’ai eu des ennuis après lorsque cela a été su ». L’une des militaires se refugiait à l’étage pour pleurer, lorsque les séances de torture s’intensifiaient, ajoute l’accusé. Une manière d’illustrer son impuissance, lui qui n’était « qu’un subordonné » devant Beugré. Justement, les avocats (sans vinaigrette) de la partie civile, dont c’était le tour de l’interroger, restent convaincus que Paul Mansa Guilavogui ne pouvait refuser les ordres de son chef l’enjoignant à torturer les manifestants.

Diawo Labboyah