Le procès en appel, opposant l’Agent judiciaire de l’Etat à Paul Moussa Diawara et Inza Bayo, a repris ce 28 février devant la Chambre d’appel de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). L’ancien DG de l’Office guinéen de publicité et son DAF rejettent toujours les accusations de « Détournement de deniers publics et de complicité ».
A l’audience du 21 février, la défense de Paul Moussa Diawara et d’Inza Bayo avait produit une pile de documents attestant, selon elle, l’innocence de leurs clients. Il se trouve que plusieurs autres pièces manquaient dans le lot remis à l’Agent judiciaire de l’Etat et au parquet spécial. Celles-ci ont été déposées finalement par voie d’huissier. Il s’agit, entre autres, des quittances de 2015, d’un courrier du prédécesseur de Paul Moussa Diawara, signalant que l’OGP n’était plus concerné par un passage devant la Direction nationale des impôts…
L’audience de ce mardi porte sur la fameuse désignation du commissaire aux comptes. Paul Moussa Diawara ne cache pas que c’est lui-même qui s’est choisi son commissaire en 2016 ou en 2017 (il ne se rappelle plus) mais, avec « la validation du Conseil d’administration, et selon l’acte uniforme de l’OHADA». Le président du tribunal s’interroge sur le fait que le DG, dont la gestion est censée être contrôlée, soit celui qui choisit son propre contrôleur. Noël Koulémou laisse entendre que cette désignation ne respecte aucunement la procédure qui voudrait qu’elle revienne à l’assemblée générale : « Comment expliquez-vous que la personne contrôlée désigne son contrôleur ? Vous avez mal interprété la loi OHADA».
Paul Moussa Diawara s’accroche pourtant à la latitude que « l’acte uniforme de l’OHADA me donne pour le faire. Je désigne le commissaire aux comptes, mais cela ne me donne aucune protection». Le juge explique que les textes de l’OHADA auxquels l’accusé fait allusion ne permettent pas à un DG d’une société anonyme de désigner un commissaire aux comptes. Pire, il ressort de l’interrogatoire d’Inza Bayo, que Paul Moussa Diawara a nommé son commissaire aux comptes bien avant la mise en place du CA.
Quid de l’IGE?
Pour prouver que les deux prévenus ont détourné des deniers publics, l’Etat a fait auditer l’OGP par l’Inspection d’Etat en 2018. Cette inspection met en évidence un gap de plus de 39 milliards de francs guinéens. Les prévenus rejettent catégoriquement les conclusions de l’IGE, s’accrochent mordicus au travail du CA et du commissariat aux comptes de l’OGP. A leurs yeux, ce sont les seules entités habilitées à fouiner dans leur gestion : « L’Inspection générale n’est pas le corps de contrôle habilité à fouiller la gestion de l’OGP. On ne s’oppose pas au contrôle, mais pourvu que cela respecte la loi », explique Paul Moussa Diawara. Le juge fait remarquer que l’Inspection générale est un instrument de contrôle aux mains d’Etat : « Partout où l’Etat est actionnaire, il peut l’envoyer ». «C’est une transgression de la loi. Son travail ne nous est pas opposable», rétorque Inza Bayo. Paul Moussa Diawara accuse d’ailleurs des gens qui rôdaient autour de l’ex Président Alpha Condé de s’être cachés derrière l’IGE pour l’éliminer de la scène politique : « C’était une inspection qui consistait à régler des comptes à un leader politique qu’on accusait de vouloir se porter candidat face à Alpha Condé. Ils ont réussi à convaincre le Président. La machine m’a finalement écrasé. Je l’avais dénoncé dans un recours gracieux », Inza Bayo, lui aussi, se dit convaincu qu’il est impliqué dans ce scandale à cause des soupçons que des responsables du RPG arc-en-ciel auraient eu sur lui : « On m’a reproché de soutenir un candidat indépendant chez moi à Beyla ». Il indique que « l’acharnement » aurait commencé par les Impôts : « Ils ont dit que nous devions 17 milliards, mais cette accusation fallacieuse ne pouvait prospérer ». C’est à partir de là, selon lui, l’Inspection générale aurait été mise en branle.
Adventus-Guinée met le pied dans le plat
Dans certaines pièces versées aux dossiers de la procédure, il est mentionné que Paul Moussa Diawara a payé plusieurs milliards de francs guinéens à Adventus-Guinée, une société qu’il aurait recrutée pour apporter une certaine expertise à l’Office. Le représentant de cette société réfute ces affirmations : « M. Moussa Dioumessy a entendu le DG dire qu’il a versé de l’argent à sa société. Il vient de communiquer un document qui prouve que rien, absolument rien n’a été payé », déclare le procureur spécial, qui sollicite la comparution de Moussa Dioumessy. L’avocat de la défense s’oppose : « S’il estime avoir travaillé au compte de l’OGP sans être payé, ce n’est pas nous qui allons lui indiquer la voie à suivre ». «Il veut juste aider, je ne sais pas pourquoi la défense a autant peur», réplique le procureur spécial.
L’autre intrigue, c’est le fait pour la défense de verser des pièces justificatives où des dépenses pour des missions des travailleurs de l’OGP qui étaient à la fois au Maroc, au Canada, en Malaisie et ici Guinée, notamment à Kissidougou et à Kamsar. Inza Bayo s’en lave les mains : « Je ne peux l’expliquer, je n’ai jamais bénéficier d’une mission à l’étranger. Je n’ai pas fait des décaissements à cet effet ».
En 2019, Paul Moussa Diawara et Inza Bayo ont été condamnés à 5 ans d’emprisonnement et au paiement d’une amende de 50 millions de francs guinéens, chacun, pour « détournement de deniers publics et complicité».
Le juge renvoie l’affaire au 7 mars pour la comparution du commissaire aux comptes, Mohamed Diaby, son suppléant, Ousmane Savané et le représentant de la société Adventus-Guinée, Moussa Dioumessy.
Yacine Diallo