La Guinée indépendante avait bel et adhéré au franc CFA et aux accords de coopération militaire avec la France. Comment intervint la rupture ?
Le 7 janvier 1959, après 3 mois de tractations, une partie du premier Gouvernement post indépendance de la jeune République de Guinée, fraîchement admise à l’ONU, signait avec la France, à Paris, les 4 accords classiques dont le modèle allait être reproduit en série à partir de 1960 pour toutes les ex-colonies africaines, à savoir coopération préférentielle dans les domaines culturel, militaire, économique, monétaire et financier.
Au lendemain de cette signature, une autre partie du gouvernement résolut de trouver une alternative permettant d’assumer plus pleinement et entièrement la souveraineté nationale. A partir du 4 février 1959, une délégation composée de Keita Fodéba, ministre de l’Intérieur et Alassane Diop, secrétaire d’État à l’Information, à laquelle se joint à certaines étapes Lansana Béavogui (pourtant officiellement chef de délégation), ministre des Affaires Économiques, et qui comprend Habib Niang, un Sénégalais qui est directeur du cabinet du ministre de l’Économie rurale et de la Coopération, ainsi que l’expert français (membre de la section coloniale du parti communiste français) Gérard Cauche, parcourt pendant près d’un mois plusieurs des démocraties populaires d’Europe centrale ou orientale : République Démocratique Allemande, Tchécoslovaquie, Pologne, Hongrie. Keita Fodéba souligne à Berlin, où Willy Stoph, vice-président du conseil et ministre de la Défense, offre le 9 février un déjeuner en leur honneur, que la première visite guinéenne au niveau ministériel est pour un Etat socialiste, qui est un exemple de développement.
Le 3 mars, Béavogui revient signer un accord de commerce à Leipzig, où se déroule l’importante Foire annuelle. Sur le chemin du retour, à la demande insistante de la République Fédérale, la mission s’arrête à Bonn le 25 février. Pendant ce temps, Keita Fodéba resté à Prague avec Gérard Cauche pose deux actes :
– Il demande et obtient des armes et équipements pour la création effective d’une armée nationale indépendante guinéenne ;
– Il signe, le 18 mars 1959, avec son homologue tchécoslovaque, un accord global de coopération culturelle et technique.
A Paris, on regrette que la France n’ait pas été informée, contrairement aux stipulations des protocoles franco-guinéens du 7 janvier 1959, qui, ainsi violés, sont rendus caduques.
Il s’ensuivra un rapprochement guinéo-tchécoslovaque dont découlera la véritable création de l’armée guinéenne, ainsi que la possibilité de battre monnaie, rendue effective le 1er mars 1960, avec la presse initiale du franc guinéen par la Tchécoslovaquie.
Sidikiba Keita