Le 20 mars, le porte-parole du gouvernement était l’invité de nos confrères de RFI. Ousmane Gaoual Diallo s’est prononcé sur l’actualité politique guinéenne. Le dialogue politique, l’interdiction des manifestations, les tueries pendant les revendications politiques…, le transfuge de l’UFDG a jeté un pavé dans la mare.
Ousmane Gaoual fait encore des siennes. De passage en France, le porte-parole du gouvernement en a profité pour porter son regard sur plusieurs dossiers brûlants du moment. Certaines déclarations du ministre des Postes, télécommunications et de l’Economie numérique ont du mal à passer. Dans ses propos, il y a une certaine contradiction.
Depuis le 18 mai 2022, le CNRD interdit systématiquement toutes « manifestations sur la voie publique de nature à compromettre la quiétude sociale et l’exécution correcte des activités contenues dans le chronogramme, (…) pour l’instant jusqu’aux périodes de campagnes électorales ». A chaque fois que le FNDC ou d’autres structures politiques ou sociales veulent manifester contre la gestion actuelle du CNRD, les autorités, les mairies en premier, rappellent toujours qu’elles sont interdites. Les organisations de défense des droits humains, en Guinée ou à l’international, n’ont de cesse appelé à la levée de cette interdiction. Mais pour Ousmane Gaoual Diallo, ces manifestations ne sont en réalité « pas interdites sur l’ensemble du territoire national, elles sont interdites sur une partie du territoire. Notamment sur des axes qui donnent lieu à beaucoup de violences. Pour le reste, les parties politiques continuent à agir, continuent à maintenir leurs activités en critiquant l’actualité, en échangeant avec leurs membres ». Les partis politiques peuvent donc appeler à manifester en dehors des axes où il n’y a pas de violences ?
Dans la soirée du 16 février dernier, jour de manifestation du FDNC, le ministre de l’Administration du territoire, Mory Condé, est apparu à la télévision nationale pour menacer de suspendre ou de retirer définitivement les agréments des structures politiques qui apportent leur soutien au FNDC. Là également, le porte-parole du gouvernement dit qu’il n’en est rien : « Il n’y a pas eu de menaces de dissolution des partis politiques. Cependant, les partis politiques agissent conformément à leur charte et à la loi. Lorsqu’il y a eu déviation par rapport à la loi, lorsqu’il y a violation de la charte, il va sans dire qu’il y a des sanctions qui sont prévues».
Du 1er juin 2022 à nos jours, 19 personnes ont été tuées par balles lors des manifestations politiques ou sociales en Guinée. Selon le porte-parole du gouvernement, leurs meurtriers sont traduits en justice : « Le gouvernement déplore systématiquement les violences lorsqu’elles entrainent des victimes. Il prend aussi des dispositions, c’est quelque chose qu’il faut noter, pour que les auteurs de ces meurtres puissent être traqués et traduits devant les juridictions de ce pays. Il faut rappeler que ceux qui sont accusés d’assassinat de manifestants, sont actuellement en procès devant les tribunaux de Conakry et c’est déjà une avancée. L’usage des armes de guerre est prohibé et c’est pour cette raison que les auteurs de cette utilisation sont arrêtés et traduits devant les tribunaux».
Là aussi, la contradiction est flagrante. Sous l’ère CNRD, un seul agent de la Brigade anticriminalité (BAC) est devant les barreaux. Il s’agit d’Adjudant-Chef Moriba Camara, accusé d’être le meurtrier de Thierno Mamadou Diallo, le 1er juin 2022, en marge des protestations contre l’augmentation des prix des produits pétroliers. Pour ce qui est des 18 autres morts, aucune personne n’est traduite devant une quelconque juridiction du pays. Au tribunal de Dixinn, on affirme que les enquêtes sont toujours en cours, pas plus. Alors que les autopsies ne sont même pas rendues publiques. Pire, l’armée est désormais réquisitionnée à chaque manifestation. L’occasion pour les agents de la police, de la gendarmerie ou de l’armée, le BATA notamment, de s’afficher sans crainte avec les PMAK. D’ailleurs, un gendarme formellement identifié avec son fusil dans le théâtre du maintien d’ordre fin 2022, s’est promené fièrement dans les rues de Conakry pendant plus de deux mois. Il n’a été arrêté et écroué à la Maison centrale de Conakry qu’après des jours de dénonciation. Le ministère de la Justice clamait son arrestation.
Yacine Diallo