Selon l’UNFPA, (Fonds des Nations unies pour la population), en charge des questions de santé sexuelle et reproductive, 80,7% des femmes et filles du monde de 15 – 69 ans ont subi un acte de violence, dont 29,3% de violences sexuelles. Elles sont victimes de mariage forcé, viol, mutilation génitale, agression sexuelle et physique, violences conjugales, psychologiques et émotionnelles, etc. Ces statistiques remettent en cause le caractère international des droits de l’Homme et les principes d’égalité des sexes.
En Guinée, le rapport de l’Oprogem, (Office de protection du genre, de l’enfance et des mœurs) dénombre en 2022, 281 cas de viols, 112 cas d’enlèvement, 235 cas d’abandon de famille, 20 cas de harcèlements, 57 cas de mariages précoces et forcés, 141 cas de violences physiques et 18 cas d’incitation de mineurs à la débauche… Une situation on ne peut mais préoccupante pour la société. Malgré les multiples campagnes de sensibilisation menées par les activistes et ONG de défense des droits des femmes, bien des victimes des VBG (Violences basées sur le genre) vivent avec des séquelles et refusent de les dénoncer.
Le ssociologue Me Abdoulaye Djibril Diallo explique que « nous vivons dans des sociétés qui n’ont pas de culture judiciaire. La communauté africaine est bâtie sur la solidarité, tout se règle sous l’arbre à palabres. La famille est sacrée et ne doit point être souillée. En Afrique, la famille se voit très mal bon en dérision, son honneur éclaboussé par la société à cause d’un cas de viol par exemple. Elle préfère garder le silence, souffrir à l’interne, régler le problème à l’amiable plutôt que d’en parler au risque de s’exposer à la vindicte d’opinion ».
Me Diallo ajoute la stigmatisation, la honte, le manque de confiance, la peur d’être banni, ou de n’être rétabli dans ses droits. Souvent, victimes et bourreaux sont de la même famille ou communauté. « Ce qui nous ramène à des négociations interrelationnelles et parfois les tradipraticiens vont jusqu’à accorder la main de leur enfant violée ou violentée à son agresseur. Ce qui constitue un grand frein pour les défenseurs des droits des femmes ». Autant de paramètres culturels que les sociétés devraient bannir. « Il faut sensibiliser, inviter les parents à soutenir leurs filles, pousser les victimes à dénoncer ».
Briser le silence
L’activiste, Binta Nabé, de l’Ong Mère et enfant, encourage à briser le silence. Elle mise sur la sensibilisation en milieu scolaire, universitaire et carcéral. Les dénonciations « permettraient de mettre en cause les pratiques ancestrales, obliger les autorités à se mettre en branle pour réprimer les auteurs des violences basées sur le genre ». Garder le silence, « c’est donner l’occasion aux coupables de récidiver ».
En biologiste, Binta Nabé explique qu’en cas de viol, les 72 heures qui suivent sont déterminantes. « Le VIH ou d’autres infections sexuellement transmissibles peuvent se manifester. Dénoncer l’acte et se rendre à l’hôpital pourrait sauver la victime de ces maladies ». Dénoncer aiderait à rétablir les victimes dans leurs droits. Aux autorités « d’identifier, traquer les coupables et les déférer devant la Justice. C’est un moyen efficace de dissuasion pour ceux qui voudraient violer ou violenter les femmes. Dénoncer pourrait sauver des vies ».
L’arsenal judiciaire
Les violences basées sur le genre constituent un fléau aux yeux de la loi, mais les communautés ignorent la voie juridique, à cause des pesanteurs socioculturelles. Pourtant la Guinée a ratifié la quasi-totalité des textes juridiques internationaux lui permettant de les réprimander sévèrement. La directrice générale de l’Oprogem, Marie Gomez, signale : « Le Code civil permet à une personne de se constituer partie civile et porter plainte en faveur d’une victime. C’est par exemple, quand un père abuse de sa fille ». L’Oprogem peut en plus s’autosaisir à travers une commission rogatoire du parquet.
« Si vous remarquez un taux élevé de viol, c’est parce qu’il y a beaucoup de dénonciations. Avant, les cas de VBG étaient étouffés. Maintenant, le silence est brisé grâce à l’implication de tous les acteurs sociaux et judiciaires ». Marie Gomez interpelle médias, acteurs sociaux, médecins légistes, justice, et organisations non-gouvernementales. Elle exhorte à l’implication de tous, car « une seule entitée ne peut éradiquer ce fléau ».
« Les victimes peuvent bénéficier d’un accompagnement à deux niveaux : une prise en charge juridique et judiciaire, et une autre sanitaire pour s’assurer qu’elles n’ont pas contracté de maladie sexuellement transmissible ou ne vivent pas avec des traumatismes ».
Abdoulaye Pellel Bah