Depuis plus d’un an, le torchon brûle entre la commune rurale de Balaki et le Lieutenant-colonel Manson Sangala Camara, préfet de Mali, situé à près de 100 km à l’est de la ville de Labé. Le préfet est accusé d’abus d’autorité, de diffamation, d’interdiction de séjour et de corruption. L’affaire est passée par le gouvernorat de Labé, avant d’être portée au ministère de l’Administration du trottoir et de la décentralisation. À date, aucune issue favorable.
Le village de Niafou, dans la sous-préfecture de Balaki, est une zone aurifère exploitée par une société étrangère du nom de (IAMGOLD Corporation). Sur la base de négociation, l’entreprise a cédé une partie du coin à la population de la Commune rurale de Balaki, pour une exploitation artisanale du métal jaune. Pour coordonner les activités, le maire de la commune, El Hadj Simbara Keita, a mis en place un Comité de gestion le 19 décembre 2019. Il est piloté par Alpha Saliou Kéita, conseiller communal à Niafou.
Pendant deux ans, le Comité se serait occupé du recouvrement des taxes de l’exploitation artisanale en espèces sonnantes et trébuchantes mais aussi en or. La redistribution aux ayant-droits dont Niafou, la Commune rurale de Balaki, les forces de sécurité et la Préfecture de Mali.
Genèse du problème
À l’arrivée du CNRD au pouvoir le 5 septembre 2021, Lieutenant-colonel Manson Sangala Camara est nommé préfet de Mali. Il récupère la gestion des taxes de l’exploitation artisanale promettant une répartition plus équitable des revenus. De janvier à décembre 2022, il aurait récupéré 23,3 millions de FCFA, soit 334 millions de francs guinéens et poussière. En février 2022, il suspend Alpha Saliou, installe un Comité provisoire de gestion avant de le rétablir dans ses fonctions en juillet suivant.
Il n’aura fallu que cinq mois avant que le doute s’installe. Le préfet improvise une mission d’enquête sur la zone. Le 18 janvier dernier, Alpha Saliou est de nouveau viré par le préfet, mais cette fois, pour de bon. Il lui interdit de séjourner dans la zone d’exploitation et le somme de rembourser 9,2 millions de FCFA au titre des taxes sur l’état de l’environnement sans aucune procédure judiciaire. Le conseiller communal accuse le préfet de «manigancer dans le but de l’écarter de la gestion des recettes de l’exploitation minière de Diaka», dans le district Niafou.
Le bras de fer
Le 3 février dernier, à travers une décision, Lieutenant-colonel Manson Sangala Camara s’auto-proclame seul percepteur de toutes les recettes minières du minerait de Niafou. «La commune n’est pas prévue dans ce partage, bien que le code des collectivités locales soit clair sur les taxes qui reviennent à la commune. Les services de recouvrement de taxes sont connus. Le receveur est écarté du processus de recouvrement et de gestion des taxes», déclare Alpha Saliou Kéïta qui qualifie les nouveaux membres du Comité de recouvrement de «délinquants», ayant «saccagé les locaux de la Gendarmerie, de la police et de la douane et incendié le tricolore national à Balaki.» Il dit s’opposer «catégoriquement à cette démarche du préfet».
Interpellé sur le dossier, le gouverneur de Labé se déclare incompétent. Alpha Saliou Kéïta passe à la vitesse supérieure et porte l’affaire sur la table du ministère de l’Administration du territoire. Après étude, le ministre Mory Condé aurait retourné le dossier au gouverneur de Labé. Depuis, c’est le silence radio. «On n’a plus de nouvelles », se plaint Alpha Saliou Kéïta, qui ne compte pas abdiquer si facilement. Il se lance dans un battage médiatique et compte saisir le ministre de la Justice et l’Agence nationale de lutte contre la corruption.
Témoignage du maire de Balaki
El-Hadj Simbara Keita, mère de la commune rurale de Balaki, confirme les accusations d’Alpha Saliou Kéïta contre le préfet. Il reproche au Lieutenant-colonel Manson Sangala Camara de s’être mêlé d’une affaire qui ne regarde pas la préfecture. «Depuis qu’il est préfet, nous n’avons rien obtenu. Il a bloqué les recettes de la mine d’or et leur répartition», déclare le maire. Selon lui, Alpha Saliou Kéïta a été mis à la tête du Comité de gestion des taxes de la mine par consensus des conseillers communaux. El Hadj Simbara dit avoir tenté une médiation à l’amiable. Sans succès. Il ne voulait pas que l’affaire s’ébruite. De tout son cœur, il souhaite que le préfet s’en lave les mains et rétablisse le premier Comité de gestion dirigé par Alpha Saliou Kéïta, pour, dit-il, «une répartition équitable des taxes de l’exploitation minière». Il confirme que l’affaire est pendante devant le gouvernorat de Labé.
La réplique du préfet
Le préfet de Mali, Lieutenant-colonel Manson Sangala Camara, s’inscrit en faux contre «les allégations» d’Alpha Saliou Kéïta. Il dénonce des «manœuvres» visant à le destituer de son poste. Il accuse : «Alpha Saliou n’a raconté que des mensonges depuis le début. Il veut créer la panique pour quelque chose qui n’en vaut pas la peine». Il dit avoir licencié son protagoniste, pour arnaque. «Je ne peux pas l’interdire de sillonner une préfecture de la Guinée, mais il a été destitué pour détournement et abus d’autorité sur la population locale».
En ce mois d’avril, le préfet contre-attaque. Il a porté plainte contre Alpha Saliou Kéïta pour diffamation, détournement de fonds, troubles à l’ordre public, désinformation et chantage. Mercredi 12 avril, Alpha Saliou Kéïta et le maire de Balaki ont été entendus par la Brigade de recherche de Labé. Une information démenti par Alpha Saliou Keita. Le préfet promet qu’Alpha Saliou Kéïta passera devant Dame Thémis, pour répondre de ses actes. Reste la réaction du Ministère de l’Administration du trottoir.
Abdoulaye Pellel Bah