Nous nous acheminons vers une audience cruciale le 15 mai, à la CRIEF (Cour de répression des infractions économiques et financières). Alors que l’ancien Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana est attendu ce jour, le juge Francis Kova Zoumanigui a renvoyé à cette date également le procès de l’ex-président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara. Ce dernier devait comparaître ce jeudi 4 mai, pour s’expliquer sur un présumé détournement de 15 milliards de francs guinéens lorsqu’il était aux affaires. Mais pour la énième fois, le prévenu n’a pas pointé du nez, alors qu’il est sous le coup d’un mandat d’amener.
«Son médecin traitant a évoqué des paramètres médicaux qui empêcheraient l’exécution de ce mandat, notamment sa tension et sa glycémie qui étaient élevées. Nous avons rendu compte à la Cour qui a renvoyé l’affaire au 15 mai pour l’exécution du mandat. Le médecin nous a assurés qu’au bout d’une semaine, il sera sur pied pour répondre à la Cour», a précisé Aly Touré, procureur spécial près la CRIEF. Avant de demander à la Cour un renvoi à dix jours. Une demande rejetée par le juge Francis Kova Zoumanigui, qui a maintenu le mandat pris contre Damaro et ordonné la poursuite des débats.
Finalement, le juge a appelé à la barre Michel Kamano, premier questeur de l’Assemblée nationale, poursuivi dans le même dossier en même temps que Zeinab Camara, deuxième questeure et ancienne députée et Jin Sun Cheng, expatrié chinois. Ces trois, libres de leurs mouvements, ont toujours répondu présents. Au cœur de l’affaire de présumé détournement, un montant de 15 milliards de francs représentant une première tranche de 40 milliards de francs que la Guinée doit payer au titre de la construction du futur siège de l’Assemblée nationale. Estimé à un coût global de 40 millions de dollars américains, le projet est financé à 90% par la Chine, les 10% restants étant supportés par le budget national.
Justifiant l’utilisation de ladite première tranche, le premier questeur a déclaré que trois milliards de francs guinéens ont servi à payer Jin Sun Cheng chargé de sécuriser et de viabiliser le site situé sur le plateau de Koloma (commune de Ratoma). Sept autres milliards auraient été utilisés à des fins de paiement des primes et indemnités des 114 députés de l’Assemblée nationale lors d’une session parlementaire, en attendant que tombe la subvention que l’État verse semestriellement à l’institution. Selon Michel Kamano, l’Assemblée nationale, en tant que deuxième institution républicaine après l’Exécutif, jouit d’une autonomie de gestion financière et ne justifie ses dépenses qu’en fin d’année devant la Cour des comptes. Il assure enfin que les cinq milliards restants étaient encore dans le compte de l’Assemblée nationale domicilié à la Banque centrale de la République de Guinée le 6 septembre 2021, lendemain du putsch militaire qui a entraîné la dissolution de toutes les institutions républicaines. Une déclaration que la CRIEF entend vérifier à la prochaine audience du 15 mai.
Diawo Labboyah