Le dossier opposant l’Etat guinéen à Paul Moussa Diawara et Inza Bayo s’est poursuivi, le 16 mai, devant la Chambre des appels de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF). L’audience a été consacrée aux réquisitions et plaidoiries. Le parquet spécial requiert la condamnation des prévenus.
Il est reproché à Paul Moussa Diawara, tout puissant directeur général de l’Office guinéen de publicité (OGP) jusqu’en 2018 et son comptable, Inza Bayo ‘’le détournement’’ de près d’une quarantaine de milliards de francs guinéens entre 2014 et 2018. Les mis en causes, poursuivis par l’Agent judiciaire de l’Etat, sont jugés par le TPI de Kaloum et condamnés en 2019 à 5 ans d’emprisonnement, au paiement d’un peu plus de 39 milliards de francs guinéens à titre principal, de près de 10 milliards de francs guinéens à titre de dommages et intérêts. Ils sont aussi condamnés à 50 millions de francs guinéens d’amende, chacun. C’est contre cette décision que les prévenus ont fait appel devant la CRIEF.
Paul Moussa Diawara et son coaccusé estiment qu’ils ont été condamnés sur la base d’un rapport de l’Inspection générale d’Etat commandité par des hauts perchés de l’ancien régime qui voulaient leurs têtes. Sauf que les avocats de l’Agent judiciaire de l’Etat ne l’entendent pas de cette oreille. Ils demandent à la Cour de confirmer la décision rendue en première instance en toutes ces dispositions : « Monsieur Paul Moussa Diawara a nommé son propre commissaire aux comptes avant même la mise en place du Conseil d’administration. Celui-ci a dressé un rapport de complaisance. Il a refusé de se présenter devant la Cour pour témoigner. Cela laisse un goût d’inachevé… Tenez compte de la gravité des faits et du refus des prévenus de coopérer», déclare Me Sanoussy Barry. Selon lui, les preuves foisonnent contre Paul Moussa Diawara et son coaccusé : « Vous n’aurez aucune difficulté à prononcer le maximum de la peine prévue par la loi».
Le procureur spécial abonde pratiquement dans le même sens. Sans tergiverser, Aly Touré demande à la Cour de retenir les deux prévenus dans les liens de la prévention : « Qu’il vous plaise d’infirmer partiellement le jugement rendu en première instance. Au lieu de 39 milliards, condamnez-les au paiement de 24 milliards de francs guinéens, parce que c’est ce qu’ils n’ont pas pu justifier. Pour le reste, nous vous demandons de confirmer le jugement en toutes ses dispositions».
Défaut de qualité pour l’Agent judiciaire de l’Etat
Pendant les débats, Paul Moussa Diawara et Inza Bayo se sont accrochés à l’argument selon lequel ni l’Inspection d’Etat ni l’expert-comptable Kahin Magassouba n’avaient l’aptitude de farfouiller dans leur gestion. Un argument autour duquel la défense a construit sa plaidoirie : « Kahin Magassouba et l’Inspection générale d’Etat ne peuvent pas s’ériger en commissaires aux comptes pour incriminer mes clients. Ils sont allés sur un terrain qui n’est pas le leur », explique Me Salomon Camara. Il les accuse d’avoir été en connivence avec des hauts responsables de la Présidence de la République au moment des faits. Il demande à la Cour de rejeter les rapports faits par l’IGE et Kahin Magassouba.
Un rejet qui conduirait à une libération pure et simple de ses clients : « Il revenait au commissaire aux comptes de faire ce travail. Les rapports faits pour salir mes clients doivent être écartés ». Me Salomon Camara dénie d’ailleurs à l’Agent judiciaire de l’Etat toute possibilité de poursuivre les prévenus : « Il y a un défaut de qualité de l’AJE. S’ils devaient y avoir des poursuites, ils ne devaient être poursuivis que pour abus de biens sociaux… Renvoyez-les des fins de la poursuite».
Le dossier est renvoyé au 6 juin prochain pour le délibéré.
Yacine Diallo