Le défilé des victimes du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à Kaloum. Trois victimes étaient à la barre ce mardi 16 mai.
Yagouba Barry, né en 1961 à Télimélé, habitant au quartier Koloma, a indiqué qu’il s’est rendu au stade avec sa femme à l’appel des leaders politiques. Il affirme avoir été victime de bastonnade de la part des forces de défense et de sécurité. Il a été tellement frappé que son pied a été fracturé. Pendant qu’il saignait, des agents des services spéciaux l’ont embarqué pour envoyer au camp Alpha Yaya Diallo où il a été incarcéré, dit-il, dans les geôles du service du colonel Moussa Tiégboro Camara, l’un des accusés. Comme il a trop souffert, il a dit à ses geôliers qu’il est un frère de Général Korka Diallo. Les agents auraient rétorqué qu’il était plutôt « un batârd » de Cellou Dalein Diallo. Malgré ces injures, il a bénéficié d’un soin. Yagouba dit que c’est le colonel Abdoulaye Chérif Diaby, ministre de la Santé d’alors, qui avait ordonné que son pied soit plâtré pendant qu’il était en détention. Il dit avoir passé 12 jours en détention au camp Alpha Yaya.
Après Yagouba Barry, est venu le tour de Ousmane Condé, né en 1963, habitant au quartier Minière de témoigner. Il a expliqué que le 28 septembre 2009, il s’est rendu au stade pour participer au meeting. Mais quelques minutes après son entrée à l’intérieur du stade, les tirs ont commencé. S’en est suivie une débandade. Ousmane Condé essaie de sortir du stade, mais les tirs étaient nourris. C’est dans sa course, qu’il a reçu une balle au niveau de la hanche et au niveau du bras. Il est parti vers l’autoroute Fidel Castro où il a trouvé refuge dans une gendarmerie. « Un véhicule de la Croix-Rouge nous a pris pour nous envoyer à l’hôpital. En cours de route, des militaires nous ont interceptés, ils nous ont débarqués pour dire qu’il ils vont nous envoyer au camp Koundara. Mais nous avons eu la chance. Quelques minutes après, on nous a embarqués pour aller à l’hôpital Donka. Ils ont extrait la balle. Je suis resté à l’hôpital pendant 3 mois. »
Thierno Ibrahima Youla, né en 1982, juriste membre du parti UFR (Union des forces républicaines), a indiqué le 28 septembre 2009 qu’il était avec ses camarades au quartier Coléyah-Cité. Après, ils sont allés sur l’autoroute Fidel Castro pour rejoindre les leaders qui se trouvaient au domicile de Jean-Marie Doré qui s’entretenait avec les leaders religieux. C’est dans cette situation que François Loucény Fall a reçu un appel lui disant que deux personnes ont été tuées au stade. Ainsi, les leaders ont décidé de se rendre au stade et laisser Jean-Marie Doré s’entretenir avec les chefs religieux. Arrivé au niveau de l’entrée principale de l’Université Gamal Abdel Nasser, ils ont rencontré Colonel Moussa Tiégboro Camara qui leur a dit de reporter la marche. Il y a eu une chaude dispute entre lui et les leaders. Tiégboro a reçu un appel, il les a laissés passer. « Nous sommes entrés au stade. Cinq minutes après l’arrivée de Jean-Marie Doré, les tirs ont commencé, nous avons aperçu les militaires entrer. C’est ainsi que chacun a cherché à se sauver. Dans la débandade, j’ai vu des gens tomber, d’autres étaient à même le sol. Ils ont tiré sur un monsieur, nous l’avons transporté pour essayer de sortir, un d’entre nous a reçu une balle. J’ai abandonné le monsieur, il était à l’agonie. En courant, un militaire m’a frappé avec son arme, je suis tombé, les manifestants ont marché sur moi. Quelques temps après, je me suis relevé. A la sortie, je voyais des femmes à moitié nues. Dans la salle de basket, j’ai vu une femme toute nue devant des militaires ». Thierno Ibrahima Youla a affirmé que lorsqu’il est sorti, il est allé vers le pont de Madina à Pharma-Guinée, il a rencontré le cortège du colonel Claude Pivi qui faisait des va-et-vient entre la terrasse et le pont du marché Madina.
A la reprise de l’audience, maître Bombi Mara a informé que la femme de l’ancien ministre de la Santé, Abdoulaye Chérif Diaby (dans le box des accusés) est décédée ce mardi 16 mai à l’hôpital Ignace Deen. Il a donc sollicité une liberté provisoire, pour que l’accusé participe à l’enterrement de sa femme. Le parquet et la partie civile s’opposent à cette libération. Finalement, le président du tribunal a rejeté la demande de libération. Le procès s’est poursuivi avec les questions.
Mamadou Adama Diallo