Le procès de l’artiste Jack Woumpack s’est ouvert ce mardi 13 juin devant le tribunal de première instance de Coyah. Poursuivi pour avoir proféré des propos jugés « ethniques et racistes », dans une vidéo publiée sur Facebook cinq jours auparavant, le prévenu a présenté ses excuses avant de retourner en prison.

Interpellé dans la soirée du 9 juin par la Brigade de recherches de Coyah qui l’a placé en garde à vue, Jack Kokoly Gbignamou Haba alias Jack Woumpack a comparu ce mardi 13 juin à la barre du tribunal de première instance de Coyah. L’artiste a été poursuivi sur la base de la procédure de flagrance, après avoir tenu des propos qui stigmatisent la communauté peule dans une vidéo relayée sur sa page Facebook. Il y impute « aux Peuls » d’être à la base des morts lors des manifestations de rue sur l’axe Hamdallaye – Cimenterie. Des victimes qu’il qualifie « de sacrifice humain » consenti pour avoir le pouvoir politique, alors que la communauté ciblée « concentre celui économique et intellectuel. Quiconque a ces trois pouvoirs impose son diktat ».

« Propos galvaudés », regrets et excuses

A la barre, l’artiste a clamé avoir été incompris et a estimé que ses propos ont été sortis de leur contexte, ou mal interprétés. Ce qui ne l’a tout de même pas empêché de présenter ses excuses à la communauté visée. « Les faits ont été suffisamment débattus, les débats ont été clôturés. Nous devrions passer aux réquisitions et plaidoiries, mais le ministère public a sollicité un renvoi. Quoique je m’y sois farouchement opposé, le tribunal a tranché en renvoyant la cause à la semaine prochaine », explique Me Fodé Mohamed Béavogui, avocat de la défense.

Ce dernier n’a pas non plus obtenu du tribunal la remise en liberté de son client, en attendant sa prochaine comparution le 20 juin. Jack Woumpack retourne donc en détention. « Les propos de Jack n’étaient pas dirigé contre une communauté. Ils ont été mal compris, galvaudés. Il a parlé en parabole, pour viser certains leaders politiques. Malheureusement, il a généralisé à toute une communauté », regrette Me Fodé Mohamed Béavogui. « Il a reconnu avoir tenu des propos qui ont heurté la sensibilité publique, admet néanmoins l’avocat de l’artiste. Il a demandé pardon à ceux qui ne l’ont pas compris. Il n’avait pas l’intention d’offenser toute une communauté. Il dénonce, sensibilise depuis qu’il est devenu artiste en 1996. Il ignorait avoir ainsi enfreint à la loi. Maintenant, il le sait ».  

Le procès de Jack Woumpack a mobilisé du monde, dont ses soutiens comme l’artiste Elie Kamano. « J’ai été présent par solidarité à notre confrérie artistique. Nous devons nous soutenir en pareille circonstance. Nous devons surtout emmener Jack Woumpack à ne plus dérayer en tenant des nouveaux propos qui pourraient envenimer les choses. Avant même l’ouverture du procès, je lui ai dit qu’il n’avait pas à aller dans des détails inutiles et futiles. Il n’avait qu’à demander pardon à la communauté et à exprimer ses regrets. Il s’est excusé et a demandé pardon à tout le monde. Une faute reconnue est à moitié pardonnée », a réagi Elie Kamano.  

Jack Woumpack risque jusqu’à 10 ans de prison

Le Collectif contre la haine ethnique en Guinée créé au pied levé et représenté par Thierno Madjou Bah, Sally Bilaly Sow, Abdoulaye Oumou Sow et Thierno Diallo a déposé plainte dès le 9 juin, lendemain de la diffusion des propos controversés de l’artiste. Les plaignants invoquent l’article 29 de la loi L/2016/037/AN du 28 juillet 2016 relative à la cyber-sécurité et à la protection des données à caractère personnel qui dispose : « Quiconque émet une injure, une expression outrageante, tout terme de mépris ou toute invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait par le biais d’un système informatique sera puni d’un emprisonnement de six mois à un an et d’une amende de 40 millions à 120 millions de francs guinéens ».  Et lorsque les infractions ont été commises en raison de l’appartenance de la victime à une ethnie, race, religion…l’auteur encourt un emprisonnement de trois à huit ans et d’une amende de 80 millions à 250 millions de francs glissants, précise la même disposition. 

L’action du Collectif a été renforcée par des injonctions de poursuites judiciaires ordonnées par Alphonse Charles Wright, Garde des Sceaux, ministre de la Justice et des droits de l’homme, au parquet général près la Cour d’appel de Conakry. Le procureur général Yamoussa Conté a, à son tour, instruit dare-dare le procureur de la République près le tribunal de première instance de Coyah d’engager des poursuites contre le reggae man, finalement interpellé le même jour au soir et placé en garde en vue. Le parquet général avait, pour sa part, rappelé les dispositions de l’article 27 et suivants du code de procédure pénale qui dispose : « Le téléchargement, la diffusion et la mise à disposition de messages, de photos, d’écrits, de dessins ou de tout autre représentation de théories ou d’idées, de nature raciste ou xénophobe, par le biais d’un système informatique, se rend coupable de délit, et sera puni d’un emprisonnement de cinq (5) à dix (10) ans et d’une amande de 100 000 000 de francs guinéens ».

Abdoulaye Pellel Bah

Envoyé spécial