Les audiences dans les cours et tribunaux sont perturbées depuis ce mercredi 21 juin, en raison d’une grève générale et illimitée des gardes pénitentiaires. Que réclament les grognards ?  

C’est une grève générale et illimitée qu’ont déclenché, ce mercredi, les gardes pénitentiaires sur toute l’étendue du territoire nationale. Ils conditionnent la levée de leur mot d’ordre à la satisfaction d’une longue liste de revendications : la mise en œuvre du statut particulier du personnel pénitentiaire signé depuis le 31 octobre 2016 ; l’engagement de 135 bénévoles qui ont suivi la formation commune de base et la libération « immédiate et sans délai » de leurs collègues « injustement arrêtés ».

Ces derniers sont incarcérés suite à une série d’évasions de prisonniers enregistrées à la Maison centrale de Conakry, mais également dans d’autres prisons de l’intérieur du pays. « Il n’y a même pas de prison en Guinée ! Ce sont parfois des anciens magasins qu’on a transformés en lieu de détention. Et lorsqu’il y a évasion, on culpabilise les régisseurs ou les gardes pénitentiaires. Nos amis incarcérés suite à des évasions doivent être libérés, si leur complicité n’est pas avérée. Certains d’entre eux sont indéfiniment suspendus et sont assis à la maison. Ils ne sont ni jugés ni rétablis », fulmine le sous-lieutenant Mamady 2 Camara, président de la commission suivi et discipline du personnel pénitentiaire, porte-parole des grévistes.

Ils demandent également une augmentation salariale à hauteur de 500 000 francs guinéens, pour compenser l’arrêt de ravitaillement en riz des hommes en uniforme décidé par la junte au pouvoir. Enfin, les grévistes exigent le démarrage de la formation commune de base en faveur de « 262 agents dès que possible », suivi de l’attribution de grades à l’ensemble du personnel pénitentiaire.

S’y ajoutent la finalisation des démarches pour l’acquisition des moyens logistiques pour les établissements pénitentiaires, ainsi que la signature de l’arrêté conjoint accordant des primes et indemnités conformément au statut particulier du personnel pénitentiaire. Le premier point fait allusion à l’acquisition de véhicules de transport des détenus mais aussi de commandement pour les chefs de service.

Respect d’engagements signés

Le débrayage de ce mercredi est une manière d’interpeller les autorités au respect des engagements antérieurement signés, précise le sous-lieutenant Mamady 2 Camara. Le président de la commission suivi et discipline du personnel pénitentiaire, porte-parole des grévistes, s’offusque que le Garde des Sceaux, Alphonse Charles Wright, qualifie l’accord de « sans valeur » et dénie toute légitimité à la commission qu’il dirige. « Un militaire bien formé doit normalement être immatriculé avant de quitter le camp. Certains de nos collègues attendent leur immatriculation depuis leur sortie le 23 septembre 2022. Ce sont eux qui s’occupent de la sécurisation du procès du 28 septembre, sans salaire ni même de primes de nourriture ou de transport », déplore-t-il. Désormais, les grévistes demandent leur intégration « sans délai » à la fonction publique.

Ce procès, censé reprendre ce mercredi après trois semaines de grève d’avocats qui réclament une aide financière à l’Etat, est l’une des victimes du débrayage. L’audience du jour a dû être renvoyée au 10 juillet, pour donner une chance à la médiation conduite par le premier président de la Cour d’appel de Conakry Abdoulaye Conté et le procureur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn, Algassimou Diallo. « On n’est pas en grève, on réclame nos droits. Nous sommes là jusqu’à la satisfaction totale des points énumérés », martèle le sous-lieutenant Mamady 2 Camara.  

En attendant de trouver une issue heureuse à la grève, les gardes pénitentiaires sont formels : pas de réception de nouveaux prisonniers, pas d’extraction, pas de visite, pas d’ordre de remise en liberté (provisoire, définitive ou sous contrôle judiciaire). Toutefois, si un prisonnier épuise sa peine d’emprisonnement et le régisseur signe son ordre d’extraction, il sera libéré « parce que la liberté n’a pas de prix », conclut le porte-parole des grévistes.

En finir avec le débrayage des avocats constitués dans le procès du 28 septembre pour retomber dans une autre grève, Alphonse Charles Wright devrait avoir de la peine à dormir sur ses deux oreilles ces derniers temps.

Diawo Labboyah