Le ministre de la Fustige, Alphonse Charles Wright, avait à nouveau rendez-vous avec Dame Thémis le 23 juin devant le tribunal correctionnel de Dixinn, délocalisé à la Cour d’appel de Cona-cris. Le Garde des Sceaux devait répondre à la plainte portée contre lui par les leaders du FNDC. L’audience de ce vendredi a tourné autour des exceptions soulevées par la défense.

La demande de récusation introduite par les plaignants Oumar Sylla alias Foniké Menguè, Mamadou Billo Bah, Sékou Koundouno, Abdoulaye Oumou Sow et Alpha Midjaou Bah dit Djanii Alfa n’aura finalement pas raison du juge Ibrahima Sory II Tounkoura. Du moins jusqu’à ce que le premier président de la Cour d’appel de Cona-cris donne son avis. Le juge Tounkara tient pour  le moment à poursuivre la procédure : « le tribunal ne s’agrippe pas à ce dossier, mais jusque-là, je n’ai reçu une quelconque notification concernant une récusation». Alphonse Charles Wright qui a tenu à être présent, a plaidé d’entrée non coupable des chefs d’inculpation de « dénonciations calomnieuses, injures publiques, violences et voies de faits et abus d’autorité» articulés contre sa personne.

L’avocat des parties civiles, Maitre Salifou Béavogui, a sollicité le renvoi de l’audience pour mieux « préparer la défense des intérêts de nos clients ». Une fantaisie, selon Me Lancinet Sylla, avocat de la défense. Il ne comprend pas que les parties civiles qui ont initié la citation directe, ne soient pas en mesure de se défendre : « On ne peut pas engager une guerre et ne pas se préparer. Cette procédure met en jeu l’honneur de notre client. Nous sommes convaincus que la demande est fantaisiste, aucun motif sérieux n’est présenté». Le mystère public abonde dans le même sens : « Cette demande n’est pas opportune». Le juge Ibrahima Sory II Tounkara rejette la demande et ordonne l’ouverture des débats.

Exceptions tous azimuts

Dans l’acte d’accusation fourni par l’avocat des parties civiles, il est mentionné que les faits reprochés à Charles Wright se seraient produits quand il était pro-crieur gênant près la Cour d’appel de Cona-cris et au moment où il occupe son poste de Garde de Sceaux. Une aubaine pour la défense ? Ces derniers utilisent ces deux fonctions pour soulever des exceptions d’irrecevabilité et d’incompétence. Me Lancinet Sylla explique qu’il est impossible de le poursuivre pour des faits qu’il aurait commis quand il était pro-crieur gênant sans l’avis du Conseil supérieur de la magistrature : « On ne peut poursuivre un magistrat sans avoir obtenu l’avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature». Encore que Charles Wright ne doit pas, selon avocat, être poursuivi devant un tribunal correctionnel : « Avec un avis favorable du Conseil supérieur de la magistrature, il ne doit être poursuivi que devant la Chambre pénale de la Cour suprême». Le mystère public de renchérir : « Le Conseil supérieur de la magistrature est un verrou qui empêche un magistrat d’être traduit devant un tribunal comme un citoyen ordinaire».

Le tribunal correctionnel de Dixinn incompétent ?

Les avocats de Charles Wright sont convaincus que la fonction de ministre qu’il occupe le protège de toute poursuite devant un tribunal de droit commun. Ils demandent  au tribunal de laisser la main à la Haute Cour de justice : « Les faits qui lui sont reprochés ne sont jugés que par la Haute Cour de justice parce qu’il est ministre. Déclarez-vous incompétent, monsieur le président ». Sauf que la Haute cour de justice n’existe pas encore. Me Moussa Diallo d’accuser les parties civiles de s’être trompées : « Il se pourrait que les parties civiles aient estimé que le ministre n’était plus magistrat. Ils se sont trompés. C’est pourquoi  ils se sont inscrits dans une fuite en avant en récusant cette composition. C’est un discrédit qu’on jette sur la justice».

Me Salifou Béavogui a tenté de démonter les arguments de la défense, en arguant qu’il n’est non seulement pas prouvé que le prévenu reste toujours magistrat. Il indique également que Charles Wright ne peut bénéficier du privilège de juridiction parce que, selon lui, on est dans un régime d’exception, et la Haute cour de justice n’existe plus. 

Charles Wright s’en prend à maitre Béa

Le Garde des Sceaux a tenté à plusieurs reprises de prendre la parole à la barre. Il en a été empêché par le juge et…par ses avocats. Il a attendu la fin de l’audience pour déverser sa colère sur l’avocat, Me Salifou Béavogui : « Un ministre de la justice n’est pas justiciable devant un tribunal de première instance. Un magistrat de surcroît n’est pas justiciable devant un tribunal de première instance. Nous sommes venus parce que toute personne citée à tort ou à raison a l’obligation de se présenter…C’est la première fois en Guinée qu’un magistrat est poursuivi pour des faits de poursuite. Maitre Béa doit revoir ces cours, il a en besoin. Pour eux, quand Charles va comparaître, ce serait une victoire. C’est une victoire pour la justice.  Cela ne m’ébranle pas».

Le tribunal se prononcera sur les exceptions soulevées le 3 juillet prochain.

Yacine Diallo