Longtemps soupçonné de vouloir déloger la Petite Cellule Dalein Diallo du leadership de l’Union des forces démocratiques de Guinée, Ousmane Gawa Diallo avance désormais à visage découvert. L’ancien coordinateur de la Cellule de com de l’UFDG, actuel ministre des Télécomplications, porte-voix du gouvernement Goumou, milite pour le renouvellement des instances du parti. Dans cette interview accordée au Lynx le 22 juin, l’ancien dépité uninominal de Gaoual rejette son exclusion décidée « par Cellou Dalein et un clan de sept personnes », appelle ses adversaires à débattre démocratiquement et à se battre à la loyale.

Le Lynx : Pourquoi voulez-vous briguer la présidence de l’UFDG ?

Ousmane Gaoual Diallo : Le mandat du président actuel est échu depuis 2020. Le parti doit organiser un congrès pour renouveler ses instances, ses dirigeants. Aussi, j’ai le droit d’être candidat : les textes de l’UFDG consacrent que seuls les membres du conseil politique peuvent briguer la présidence du parti. J’en fais partie depuis 2015. Je considère que l’actuel président a montré ses limites pour unir le parti, le renforcer, le moderniser et faire en sorte qu’il jouisse des privilèges proportionnellement à son poids dans le paysage politique. Je pense pouvoir apporter quelque chose de différent et renforcer son ancrage dans le pays. C’est aussi ma volonté d’amener les dirigeants de l’UFDG à se conformer aux textes, à la démocratie. Le débat interne est une forme d’éducation pour les militants et les responsables. Un leader qui n’est pas démocrate, respectueux des textes du parti sera un dictateur à la tête de l’Etat. Les exemples foisonnent. Mieux vaut cet exercice démocratique que créer son parti à chaque fois qu’on n’est pas d’accord avec le leader.

Depuis quand nourrissez-vous cette ambition ?

En 2015, j’étais déjà candidat virtuel. Mais il y a eu de la tricherie : on a fait coïncider le congrès de renouvellement des instances à celui d’investiture du candidat. L’argument était d’éviter des dissensions entre les électeurs de l’UFDG, à quelques semaines du dépôt des candidatures. Cette fois-ci, nous anticipons pour ne pas qu’un tel sujet vienne polluer la démocratie interne du parti. Mes intentions étaient connues de tous. J’ai eu à dire à l’actuel président qu’il est temps qu’il cède la présidence, pour se consacrer par exemple à briguer la magistrature suprême du pays. L’UFDG a besoin du sang neuf, de dynamique démocratique.

Vous voulez dirigez le parti, mais non être son candidat à la prochaine présidentielle ?

En tant que ministre, la Charte de la transition me l’interdit. Mon objectif est de prendre la tête du parti, le redynamiser et le repositionner. Il faut le sortir du carcan de parti radical, frileux à toute négociation, en faire un parti capable de faire des compromis pour son intérêt et celui du pays.

Ce sont là tous vos griefs contre la présidence de Cellou Dalein Diallo ?

Il y en a d’autres, raison pour laquelle j’ai invité le président à débattre. Il faut faire une sorte d’inventaire de ce qu’a été la dizaine d’années de sa gouvernance à la tête du parti. Cela donnerait aux militants des éléments d’appréciation, pour décider du destin de notre formation politique. Cela est fondamental, à encourager. Cellou Dalein a tout intérêt à apaiser et rappeler ses soutiens que le débat démocratique est vital. Le débat peut avoir lieu aussi bien en Guinée qu’au niveau des fédérations à l’étranger. Il ne faut pas craindre cela au point de créer des tensions inutiles.

Ce n’est que maintenant que vous exprimez vos ambitions.

Je ne pouvais pas les exprimer entre deux congrès. Pendant ce temps, on travaille ses relations avec la base. Son mandat est échu alors qu’on était en prison. Après, il y a eu le coup d’Etat entraînant le pays dans une transition. Dès ma sortie de prison, j’ai demandé la raison du retard accusé pour aller au congrès. L’autre problème, toutes les instances du parti sont en fin de mandat. Cela questionne même leur légitimité à organiser un congrès.

Il y a également cette propension, depuis un certain temps, de Cellou à nommer des gens à des postes électifs. C’est le congrès qui désigne quelqu’un membre du conseil politique. Il prépare une base électorale qui lui est dévolue. Le conseil politique est composé de 40 personnes et le bureau exécutif de 350. Il faut s’en tenir à cela. Sinon, cela cacherait une volonté de préparer l’inacceptable. Il a créé des instances qui ne figurent nulle part dans les textes. Je refusais de participer aux réunions de ces instances. C’est comme si vous avez un parlement et que le président se permet de créer un autre.

L’idée de congrès est-il à l’ordre du jour à l’UFDG ?

C’est un débat qu’on étouffe depuis 2020. Un groupe de cadres, dont moi-même, El Hadj Diouma des fédérations de l’étranger, Cellou Baldé de celles de l’intérieur, Lamarana Petit, Safa Tounkara, Diogo Baldé…s’étaient déjà soumis à une réflexion sur une redynamisation du parti qui devrait nécessairement passer par le retour vers les militants pour obtenir la légitimité de la direction. Beaucoup pensent que Cellou joue sa dernière carte : il passe, ou on lui montre la porte de sortie. Le parti doit exister après lui, c’est maintenant qu’il faut favoriser l’alternance au sommet. Il est temps de passer la main à une nouvelle génération.

Les plus grands partis en Guinée sont dirigés par leur fondateur. Quelles sont vos chances de réussir l’alternance à l’UFDG ?

Les Guinéens aspirent à des dirigeants démocrates, qui acceptent la contradiction, l’adversité, garantissent les libertés. Pour cela, l’un des mécanismes d’évaluation est l’analyse de leurs rapports avec les textes qui gouvernent leurs formations politiques. Tous ces partis politiques devraient se soumettre à l’exercice démocratique. Une des raisons de la prolifération des partis est le refus d’ouverture démocratique. Les premières crises intervenues en leur sein, en Guinée, c’était au RPG avec Ahmed Tidjani Cissé (par ailleurs défunt ministre de la Culture). Après sa divergence avec Alpha Condé, il a été contraint de créer son parti. Après, il y a eu un bal de départs à l’UFR : Ousmane Kaba ; Makalé Camara…D’une certaine manière, l’UFD d’Alpha Sow a éclaté à la suite d’une divergence avec Bah Oury qui voulait s’affirmer. Celui-ci s’est vu obliger de créer l’UFDG. Récemment, Aliou Bah est parti du Bloc libéral parce qu’il n’y a pas pu exprimer son talent. Faya Millimouno est lui-même parti de la NGR pour créer le BL pour la même raison. Systématiquement, on montre la porte aux porteurs de nouvelles idées.

Vous étiez de ceux qui à l’époque ne partageaient pas la position de Bah Oury…

Il n’est pas parti parce qu’il avait des velléités de diriger l’UFDG…

Il en avait pourtant…

Oui, mais le motif de son départ est lié à un problème qui a entraîné la mort d’un citoyen à notre siège. Sa seule opposition à Cellou n’aurait jamais entraîné son exclusion. Les tensions existaient à son retour, il a malgré tout été bien accueilli à l’occasion. Je connais la genèse de cette crise, d’ailleurs j’étais perçu comme proche de Bah Oury. C’est avec lui que j’ai commencé la politique dans les années 1990. Le processus de son exclusion avait obéi aux règles du parti : envoyer une convocation, comparution devant le conseil de discipline. Il n’a pas obtempéré. Il y a eu une exclusion temporaire de deux ans, soumise au congrès qui l’a actée à plus de 90 %. Ce qui n’a pas été mon cas.

Vous aspirez à diriger un parti dont vous êtes exclu. Comment allez-vous vous y prendre ?

Pour parler d’exclusion, il faut se rapporter aux textes du parti. Qui m’a exclu ? C’est Cellou et un petit clan de sept personnes. L’article 54 du règlement intérieur ne donne pas ce pouvoir au conseil politique. L’exclusion d’un responsable ne peut être prononcée que par la direction nationale du parti, qui est le bureau exécutif. Le premier, c’est l’organe d’exécution des décisions du second. C’est comme entre le bureau de l’Assemblée nationale et le Parlement. Celui-ci ne peut pas se substituer à celui-là.

En plus, le règlement intérieur accorde la possibilité au mis en cause de se défendre lors d’un débat contradictoire. Or, il n’y a pas eu de convocation, d’accusation, de jugement, ni même un avertissement écrit ou verbal entre la direction et moi-même, encore moins la consultation du conseil de discipline comme le prévoient les textes. Personne ne m’a notifié la décision prise. Le bureau exécutif n’a été qu’informé. J’ai le message de monsieur Bano Sow informant le conseil politique que je suis sanctionné. Où ce membre du conseil politique a-t-il pris la décision de sanction contre Ousmane Gaoual ? S’il y avait eu réunion, il n’aurait pas eu besoin d’informer le conseil de ce qui en a résulté ? Moi-même, en tant que membre, je devais être informé de la réunion et de son ordre du jour. Cellou ne peut pas signer un tel acte, il n’en a pas le pouvoir. Il devait y avoir une réunion du conseil politique sanctionnée par un procès-verbal signé par l’ensemble des membres, dans lequel on doit acter les accusations, composer le conseil de discipline, informer le prévenu des charges qui pèsent contre lui et le convoquer à un jugement. Ce dernier a le droit de se faire accompagner par un membre du bureau exécutif lors de son interrogatoire. Les sanctions, graduelles, sont soumises au bureau exécutif. Si c’est une exclusion à titre conservatoire ou temporaire de 24 mois, c’est ce dernier qui doit le décider au regard des charges articulées contre le mis en cause et des preuves apportées pour établir sa culpabilité. Condamner quelqu’un sans l’avoir entendu est contraire à la démocratie.

A vos yeux, la décision prise à votre encontre est nulle ?

Elle n’a aucun intérêt. L’article 10 du règlement intérieur est sans équivoque : « Le bureau exécutif national, sous l’autorité du président du parti, est la direction nationale de l’UFDG ». L’article 5 du même texte précise : « Le bureau exécutif au niveau national, au sein duquel sont élus les vice-présidents, les membres du conseil politique et les secrétaires nationaux ». Nos textes sont clairs : le conseil politique n’est pas la direction nationale du parti et, par ricochet, ne peut pas acter une telle décision. Ce dernier est élu parmi les membres du bureau exécutif, dont il exécute les décisions.

Allez-vous déposer un recours ?  

Pour l’instant, j’ignore la décision. Le jour qu’on me la notifiera, je saisirai la justice. Les tribunaux sont habilités à trancher ce type de litige.

A entendre certains membres du parti, la page Ousmane Gaoual est tournée…

Qu’on laisse les militants décider. Surtout que ceux qui le disent sont convaincus de la popularité de Cellou Dalein. Se soumettre à l’exercice démocratique du parti ne devrait pas être un problème. En revanche, c’est dangereux de soutenir que quiconque n’aime pas le président doit quitter le parti, comme l’a déclaré à la face du monde le vice-président (Fodé Oussou Fofana). Cellou n’est pas le projet de société de l’UFDG. Il a trouvé le parti constitué. Même si celui qui l’a dit doit sa légitimité à Cellou : il n’avait aucun parcours politique. Cellou est allé le prendre je ne sais où pour en faire un vice-président. Moi, j’ai milité depuis la base et gravi des échelons. Je dois mon parcours aux militants, que je connaissais avant de connaître Cellou. Qu’il vénère Cellou, c’est son droit. Mais qu’il laisse les suffrages s’exprimer, qu’il donne l’opportunité aux militants de choisir leurs dirigeants pour les cinq prochaines années.

Envisagez-vous l’échec et donc la création d’un parti politique ?    

La politique, pour moi, ne se résume pas à des positions rigides. Elle évolue. On ne peut pas aller à une compétition sans envisager l’échec. J’ai été un sportif de haut niveau, qui a connu des échecs. Si le processus est transparent, l’échec devient une invite à faire mieux prochainement. Mais si on te bloque partout et qu’on te refuse l’exercice démocratique, tu n’auras d’autre choix que de lancer un mouvement politique. J’ai envie de servir notre pays, quoique les Guinéens ne veuillent plus de prolifération de partis. Ils veulent le débat démocratique afin que les meilleurs soient choisis par les militants et parmi eux pour conduire le pays en avant. Ceux qui refusent cela ne peuvent être que des dictateurs à la tête de l’Etat. Il faut avoir l’humilité de se soumettre à la volonté des militants. C’est par cela qu’on évalue la propension des leaders politiques à respecter les suffrages des Guinéens une fois aux affaires. S’ils ne peuvent pas faire cela maintenant, ils ne le feront pas demain au pouvoir.

Interview réalisée par

Diawo Labboyah