Le procès opposant Ibrahima Diallo à Ibrahima Naby Traoré a repris le 20 juillet au tribunal de première instance de Mafanco. Le responsable des Opérations du FNDC poursuit l’ex-commissaire spécial de l’aéroport de Conakry pour « atteinte à la liberté individuelle et abstention délictueuse ». Le prévenu rejette les faits.
Le 1er juin, en partance pour Niamey (Niger), Ibahaima Diallo est stoppé net à l’aéroport international Ahmed Sékou Touré par la police de l’air et des frontières. Les flics ont prétexté qu’il était frappé d’une interdiction de sortie du territoire. L’activiste décide alors d’intenter une action judiciaire contre le Commissaire spécial de l’aéroport. Absent lors de la première audience, le 22 juin, le colonel Ibrahima Naby Traoré a finalement comparu ce 20 juillet devant le tribunal de première instance de Mafanco.
Ordre du parquet de Dixinn
Il reconnaît avoir ordonné d’empêcher le voyage de l’activiste, mais invoque l’application d’une instruction reçue. « Il arrive que les parquets nous saisissent, par voie d’autorité, par rapport à certaines réquisitions. Le 22 juillet 2022, le procureur de la République près le tribunal de Dixinn nous a transmis une réquisition aux fins d’interdiction de sortie du territoire concernant le nommé Ibrahima Diallo. Lorsqu’il s’est présenté à l’aéroport. Il lui a été notifié qu’il était interdit de sortir du territoire ».
Sauf qu’au moment de voyage avorté, le plaignant ne faisait l’objet d’aucune restriction, libéré de prison sans conditions, après médiation des religieux. Ibrahima Naby justifie que le parquet de Dixinn ne lui avait pas notifié la levée de la mesure d’interdiction contre l’activiste. « Pour lever une interdiction, il faut que l’entité qui nous avait requis fasse un courrier aux fins d’arrêter l’action », rappelle le prévenu.
Mais selon les avocats de la partie civile, aucune justification n’avait été ce jour donnée à leur client. Ce qui constituerait la source de la plainte. « Vos agents se sont contentés, les yeux bandés, de bloquer notre client sans lui présenter une décision de justice», peste Me Alsény Aïssata Diallo. Me Salifou Béavogui d’enfoncer le clou: « Cet acte que vous prenez pour une réquisition n’est qu’une simple correspondance. Elle n’a aucune valeur judiciaire. D’ailleurs le procureur n’exécute que les décisions judiciaires. Et dans ce dossier, vous ne pouvez pas nous présenter une ordonnance de placement en détention ou une décision de condamnation prononcée par un juge ».
Ibrahima Naby Traoré persiste : « Il revenait au procureur de nous notifier la levée de la réquisition ». Son avocat, Me Saa Millimouno, estime que les poursuites devaient viser le procureur qui est, pour son client, « une autorité publique, son supérieur hiérarchique. Mon client n’a fait qu’exécuter un ordre ».
Ibrahima Diallo dément
Dans sa déposition, le colonel Ibrahima Naby Traoré a affirmé que ses agents avaient exhibé au plaignant la réquisition qui les a saisis. Ce qu’a écarté du revers de la main Ibrahima Diallo. « J’ai fait les formalités à la douane. Au niveau de la police, un agent a scanné mon passeport, ma dit qu’il se réfère à son chef. Deux autres sont venus le confisquer, au motif que je ne peux pas voyager. Je leur ai demandé la raison, ils m’ont dit qu’ils ne connaissent rien. J’ai demandé s’ils avaient un acte administratif ou judiciaire qui justifiait la mesure, ils n’en avaient pas. Ils ne m’ont présenté aucune réquisition. Sinon, ce n’est pas le commissaire spécial de l’aéroport qu’on allait viser », précise l’activiste.
Les avocats de la partie civile ont sollicité la comparution des agents qui étaient à l’enregistrement, le 1er juin, pour aider le tribunal d’y voir plus clair. La défense de s’y opposer : « La partie civile a choisi la citation directe parce qu’elle estime avoir toutes les preuves. La comparution de ces agents n’est pas nécessaire ». Le juge rejette la demande, renvoie l’affaire au 27 juillet pour la suite des débats.
Yacine Diallo