Après la perestroïka et la glasnost, suivies de l’effondrement de l’URSS, l’humanité s’attendait à un monde meilleur. Débarrassé de la bipolarisation et de la guerre froide et leurs corolaires qui ont divisé le monde en deux blocs. C’était sans compter avec l’avènement au pouvoir de Vladimir Poutine, qui considère l’initiateur de deux mots qui ont scellé le sort de l’ex bloc de l’Est comme un « traître à la solde de l’Ouest ». Pour lui et pour bon nombre de Russes, Michael Gorbatchev était venu faire le sale boulot de l’Occident. L’actuel patron du Kremlin n’a jamais caché son ambition de rendre à l’ancien empire Soviétique sa puissance d’antan.
Avec cette obsession de Poutine, les Occidentaux apprennent à leurs dépens que leur adversaire de tous les temps, qu’ils croyaient avoir définitivement vaincu, n’a pas dit son dernier mot. Bien au contraire. Ce qui les oblige à poursuivre leurs œuvres et leurs manouvres visant à l’affaiblir. Avec des velléités de l’Organisation des traités de l’Atlantique nord (OTAN) de s’installer jusqu’aux portes de Moscou. A quelques exceptions près, la quasi-totalité des anciennes Républiques Soviétiques sont devenues soit membres de l’Union Européenne, soit de l’OTAN.
Il n’en fallait pas plus pour que Moscou soit dans la défensive. Ou plutôt dans l’offensive. D’autant plus qu’entre temps, le mensonge d’Etat sur la présence d’armes de destruction massive en Irak et l’assassinat de Kadhafi ont mis à nu l’agenda caché des Occidentaux. Lesquels ne se battent nullement pour la démocratie et l’Etat de droit, mais pour faire mains basses sur les richesses de ces pays. La Russie, qui avait décidé de faire cause commune avec ses anciens adversaires, affiche peu à peu son désaccord avec ces derniers.
La guerre en Ukraine et le soutien que l’Occident apporte à cette dernière ont ressuscité la guerre froide. La Russie, qui a sauvé le régime de Bassar El Assad en Syrie, se positionne de nouveau comme l’alternative au néocolonialisme. Et elle trouve des oreilles très réceptives. Surtout en Afrique, devenue le nouvel épicentre de la guerre froide entre les grandes puissances. La Russie est décidée à donner du grain à moudre à la France dans l’espace francophone où, de plus en plus, des voix s’élèvent pour dénoncer le néocolonialisme français.
Après Kémi Séba, ce sont désormais des militaires devenus chefs d’Etat de leur pays par effraction, qui dénoncent la politique de Paris en Afrique. Comme ce fut le cas d’Ibrahim Traoré, chef de la junte militaire qui s’est emparé du pouvoir à Ouagadougou au début de cette année. Le capitaine ne pouvait trouver meilleure tribune que le sommet Russie-Afrique qui s’est tenu la semaine dernière à Saint-Pétersbourg pour régler ses comptes avec la France.
Et comme par coïncidence, pendant que ce sommet se déroulait en Russie, les populations nigériennes ont manifesté pour soutenir le coup d’Etat dans leur pays. Là aussi, les putschistes dénoncent la présence de l’armée française dans ce pays. Dans un contexte mondial où la Russie est au pied du mur en Ukraine, il est superflu de dire que le pays de Lénine soutient la « rébellion » des Africains contre l’ancienne puissance coloniale. Avec la présence de la milice privée Wagner dans plusieurs pays africains, la Russie fait miroiter à ces pays que sa milice sera une alternative crédible après le départ de l’armée française.
Or, chasser une armée régulière, qui ne peut-être pas un enfant de cœur, pour dérouler le tapis rouge à une milice privée, même parrainée par le camarade russe, est une erreur monumentale. Voire un suicide. Dans les prochaines années, les illusions pourraient s’effondrer. Du terrorisme qui sévit actuellement au Sahel, on risque d’assister à la somalisation de ces pays.
Habib Yembering Diallo