Alors que la crise avec l’Association des magistrats (AMG) couve, le Garde des Sceaux oriente sa boussole vers une nouvelle corporation. Il se lance dans un bras de fer avec le Conseil de l’ordre des avocats.

Le Barreau de Guinée tient à la loi L/2004/014/AN du 26 mai 2004, portant réglementation de la profession d’avocat comme à la prunelle des yeux. La révision de cette loi entraine, depuis des semaines, une friction entre le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Alphonse Charles Wright et le Conseil de l’ordre. Le ministre veut à tout prix être l’acteur principal de ce toilettage contre le gré des avocats. Il a adressé une correspondance à l’allure d’une mise en garde au Barreau, fin juillet dernier, pour l’intimer de lui faire une proposition avant le 10 août : « Passé ce délai, je ferai entreprendre par les services techniques du Ministère de la Justice et des Droits de l’homme la révision de la loi du 26 mai 2004 adoptant et promulguant la loi portant réorganisation de la profession d’avocat en République de Guinée, afin de l’adapter au contexte actuel ».

Cette posture, les avocats ne veulent pas en entendre parler. Le bâtonnier, Me Mamadou Diop Souaré, dénie au garde des Sceaux tout pouvoir de réviser cette loi à leur place : «Il me semble qu’à ce stade, l’initiative d’une révision de cette loi émane de vous et non du Barreau. Celui-ci ne vous a, jusqu’à preuve du contraire, pas saisi d’une demande allant dans le sens de la révision de la loi portant réorganisation de la profession d’avocat… Il vous revient donc d’indiquer la nécessité d’une telle révision et les réelles motivations qui la sous-tendent». Il met en garde Charles Wright contre toute manipulation, en faveur de l’Exécutif, de cette loi qui garantit l’indépendance de l’avocat : «Le Barreau n’entend accepter aucune révision dont l’objet ou la finalité serait de permettre l’accès à la profession de personnes qui ne remplissent pas les conditions prévues par la loi 014. Le Conseil de l’ordre fait de la protection de la profession d’avocat une de ses préoccupations essentielles.»

 Et Me Faya Gabriel Kamano d’accuser le ministre de méconnaître les démarches de la corporation : «Le ministre est beaucoup en retard sur la question. Le barreau avait déjà créé une commission de travail sur la révision de la loi 014. Comme toutes les autres institutions, il a besoin d’adapter ses textes de loi. Cette commission est en train de travailler depuis des mois, bien avant que le ministre ne pense à nous adresser ce courrier. Pour nous, c’est comme si c’était un coup d’épée dans l’eau. Nous sommes en train de travailler, nous n’avons pas besoin qu’il nous le rappelle».

Aucun doute que les esprits vont s’échauffer après le 10 août, tant Charles Wright est décidé à opérer un passage en force, si les avocats ne se plient pas. Ces deniers n’en ont pas l’air. Les cours et tribunaux risquent d’en pâtir après les vacances judiciaires.

Yacine Diallo