A compter du 9 août, les présidents des Conseils de quartier et de district seront nommés par les gouverneurs de région. C’est la volonté du Président de la transition qui a supprimé les élections dans cette section des collectivités locales. La décision fait toujours grincer des dents, à l’image de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) de Cellou Dalein Diallo.

La décision du colonel Mamadi Doumbouya de faire nommer les Conseils de district et de quartier passe mal. Le gouvernement, en tête le ministre de l’Administration du territoire et de la décentralisation (MATD), Mory Condé, s’englue dans des justifications peu convaincantes. Les acteurs politiques, eux, ne cessent de ruer dans les brancards. Ils n’avalent pas la pilule ‘’très amère’’ que le Chef de la junte leur a administrée.

A l’Assemblée générale de l’UFDG, le 12 août, Cellou Baldé, a craché ses vérités au CNRD. Il assimile le décret du Président de la Transition à un « acte totalement illégal. Il viole nos lois et n’avait pas sa raison d’être », dénonce Cellou Baldé. Le coordinateur des fédérations UFDG de l’intérieur du pays dénie même à Mamadi Doumbouya le pouvoir d’abroger une loi : « Un décret d’un Président de la transition ne peut pas abroger une disposition législative, de surcroît une loi organique votée par une Assemblée nationale. La décentralisation a pris un coup. Nous nous débattons pour arriver au second niveau de la décentralisation : la mise en place des Conseils régionaux de développement. Nous assistons de l’autre côté à un recul démocratique, du droit pour les citoyens de choisir librement leurs dirigeants à la base. En Guinée, le domaine réglementaire est connu, celui de la loi, aussi. Les Conseils des quartiers sont une section des collectivités locales…Un décret ne doit pas être pris pour l’organisation et le fonctionnement des collectivités locales ».

La junte défriche ?

A la prise du pouvoir, le colonel Doumbouya  martelait que ni lui ni ses amis du CNRD ne vont candidater à une élection. Une position réaffirmée à plusieurs reprises. Mais plus les jours passent, plus on soupçonne le CRND d’avoir un agenda caché. Pour Cellou Baldé, le récent décret du président le prouve : « Le CNRD est devenu un courant politique, il lui reste maintenant de présenter son parti politique. Tous les actes qu’il pose montrent qu’il se prépare pour les échéances électorales futures… Il sait que la fraude électorale repose souvent sur les quartiers et les districts ». Le politicien invite les partis politiques, l’UFDG notamment, de porter l’affaire devant les cours et tribunaux : « Nous invitions l’ensemble des acteurs soucieux de l’Etat de droit, de se lever pour attaquer cette décision illégale. J’invite l’UFDG à l’attaquer devant les juridictions nationales et supranationales».

« Manipulations »

Les relations entre l’UFDG et Ousmane Gaoual Diallo, ministre porte-parole du gouvernement, ne s’arrangent pas. Au contraire, la défiance monte crescendo, au point que les deux camps ne ratent aucune occasion pour asséner des coups. La semaine dernière, le porte-parole du gouvernement a fait don de motos et de billets de banque à des victimes des manifestations politiques. Un geste que l’UFDG perçoit comme une manipulation de l’opinion : « Nous avons assisté à des distributions de motos et d’argent… Depuis 2011, l’UFDG et son président n’ont ménagé aucun effort pour assister les victimes des répressions sauvages. Ce sont des œuvres de charité ou de la manipulation politiques ? En 2015, des leaders politiques avaient fait la même chose pour qu’on dise que l’UFDG ne soutient pas les victimes ». A la place des dons, Cellou Baldé invite plutôt son ‘’ancien ami’’ Ousmane Gaoual à se battre pour que lumière soit faite sur les morts par balles de la vingtaine de jeunes sous l’ère CNRD : « Nous demandons à ce ministre qui veut faire de la charité à se battre pour que les victimes obtiennent justice, pour qu’elles aient une indemnisation juste, dans le cadre du droit, et non pas avec de l’argent subtilisé des caisses de l’Etat».

Bah Oury et compagnie égratignés

Les Forces vives de Guinée n’ont de cesse de clamer que le dialogue passé entre le CNRD et un certain nombre d’acteurs politiques et sociaux n’était rien d’autre qu’un simulacre. Pourtant, Bah Oury, Lansana Kouyaté, Faya Millimmouno et Cie ont clamé à qui veut l’entendre que le round qu’ils ont eu avec les tenants de la transition était le bon. Sauf que ces derniers jours, la confiance n’est pas totale entre les ‘’deux amis’’. Ces acteurs politiques soupçonnent les militaires de n’en faire qu’à leurs têtes. Cellou Baldé n’est guère surpris : « Il n’y a pas de dialogue, le CNRD décide de ce qui va se faire par rapport à l’agenda des 24 mois. Nous sommes réconfortés dans nos convictions, malheureusement, par le mea-culpa des acteurs politiques qui accompagnent le CNRD. Ils se rendent compte que le CNRD ne travaille pas pour eux. Ils comprennent que tout ce qu’ils se sont dits dans ce simulacre de dialogue n’est que tromperie… » Le coordinateur des fédérations UFDG de l’intérieur leur demande de rejoindre les Forces vives de Guinée, pour la suite de la lutte, « parce qu’on ne devrait pas avoir de pro ou d’anti CNRD. Les acteurs politiques devaient travailler pour le respect de l’article 77 de la Charte de la transition. Nous leur disons de quitter le mouvement de soutien du CNRD pour que nous défendions la transition ». Bah Oury et Cie l’entendront-ils de cette oreille ? Attendons de voir.

Yacine Diallo