L’Afrique n’aurait rien d’autre à faire que de ressasser son passé d’aliénation et de rancœurs, plutôt que de se pencher sur son avenir de grandes promesses et de perspectives radieuses ? Le destin des Africains serait-il de continuer à souffrir des écarts de conduite et de langage, de démagogues, de dirigeants fainéants ? Est-ce une fatalité de subir de temps en temps une histoire qu’on croyait révolue des putschistes guignols et apatrides ?

D’une époque à une autre , dans le temps qui s’écoule, l’histoire qui ne s’arrête pas, les Africains sont bercés par des illusions mortelles, trompés avec des thèses ridicules et diaboliques. Pendant les combats pour la décolonisation, les années qui ont suivi les indépendances, les discours anticolonialistes, la défiance à l’encontre de la métropole, ont fasciné et pour beaucoup d’acteurs et dirigeants africains, furent un fond de commerce politique, une puissante arme d’endoctrinement et d’asservissement de leurs concitoyens. Le temps de toutes les idéologies et des pères des indépendances qui hante encore bien des mémoires, tant le tribut à payer fut lourd et l’héritage demeure désastreux.

Quelques leaders visionnaires avaient compris, très tôt, qu’une telle posture hostile et vindicative n’était pas nécessaire, surtout, ne permettra jamais à l’Afrique et aux Africains de relever la tête, de peser dans la balance du concert des nations. Ce n’était qu’un artifice pour accéder au pouvoir et s’y maintenir, un moyen pour endormir les consciences et soumettre davantage les peuples. Ahmed Sékou Touré, un des chantres du panafricanisme et de l’indépendance totale, durant toute sa vie et tout le long de son règne, a fustigé le colon et revendiqué le droit des peuples à l’autodétermination.

La Guinée qu’il a dirigée pendant 26 ans a été nourrie du sentiment nationaliste, a été à l’avant-garde de toutes les luttes pour l’unité africaine et l’émancipation des peuples. Au même moment, ce pays, avide de souveraineté et de liberté, vivait sous une dictature sanglante, les Guinéens étaient plus malheureux qu’ils ne l’avaient été avant l’indépendance escomptée et la rupture brutale avec l’Occident. De nombreuses années après, la Guinée n’est toujours pas libre, les Guinéens attendent le bonheur et la prospérité qu’on leur a fait miroiter. Ils subissent encore le poids de l’héritage du leader révolutionnaire et de ses prises de position fracassantes, dénuées de raison, de discernement et de sagesse.

En revanche, Félix Houphouet Bobigny, plus conciliant, lucide et pragmatique, qui lui avait déconseillé les excès et les fanfaronnades gratuites, a fait de son pays, la Côte d’Ivoire, un dragon économique, une terre d’accueil et d’intégration, où il fait toujours bon vivre. Quand Sékou Touré se gargarisait de discours creux et ennuyeux, se perdait, tout seul dans ses idéologies improductives, opprimait ses compatriotes, lui, consacrait son temps et son énergie à bâtir la Côte d’Ivoire et à faire la prospérité des Ivoiriens. Aujourd’hui, les faits parlent d’eux-mêmes et il est loisible à chacun de voir qui des deux hommes a eu raison sur l’autre, a fait le bon choix pour son peuple.

L’un a pensé changer le monde avec ses théories, une fausse fierté, un nationalisme béat; l’autre a compris que l’œuvre réalisée parle pour l’homme, qu’on ne peut pas se libérer et s’épanouir avec des discours démagogiques et de fausses promesses. Il n’y a pas de fierté dans la pauvreté ni de liberté dans la précarité. Il suffit de comparer la Guinée à la Côte d’Ivoire pour ne pas croire aux idéologues et démagogues qui, parce qu’ils n’ont rien à proposer ni à offrir, ravivent les rancœurs, les ressentiments, entretiennent des foyers de tensions, exploitent les peurs et les passions des peuples, partagés entre les difficultés du présent et les angoisses de l’avenir.

On remet au goût du jour, les tentations morbides et les dérives du passé, à la faveur des crises économiques qui secouent le monde et des demandes sociales qui fragilisent les États, les gouvernants, les dirigeants. Les jeunesses africaines, qui en savent peu sur l’échec des idéologies et des faux prophètes, sont à la recherche désespérée de repères, les proies idéales des nouveaux charlatans politiques, des pseudo-révolutionnaires, des putschistes opportunistes. On leur fait croire qu’un pouvoir militaire sauvage, illégal et illégitime est meilleur et ferait davantage leur bonheur qu’un régime civil démocratique et légitime. On leur fait dire que l’Afrique, indépendante depuis de longues années, librement administrée, est un territoire occupé, paradoxalement, qui a besoin de nouveaux maîtres, comme de juntes militaires tyranniques et paranoïaques ou d’autres puissances bancales comme la Russie qui jurent avec la démocratie et les droits de l’Homme: déshabiller Paul pour habiller Pierre. Où est la cohérence, la logique ?

Un raisonnement d’imposture aussi faux que trompeur qui détruit les États, ramène l’Afrique et les Africains à des années en arrière, accentue la misère des populations. La vérité qu’on veut occulter, qui crève les yeux : ce sont des Africains qui veulent coloniser d’autres Africains. Le drame vient des aventuriers qui jouent les héros ou veulent se faire passer pour les martyrs d’une noble cause. Il faut se résoudre à l’évidence : si l’on n’y met pas un terme et vite, la folie d’ambitions démesurées et illégitimes est en train de sceller le destin de tout un continent. Des travers politiques et des frondes idéologiques outrancières qui ne profitent qu’à leurs auteurs qui avancent masqués, abusent d’une frange vulnérable des opinions pour distraire de leurs projets obscurs et desseins douteux, plombent l’horizon démocratique.

« Faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais » est la devise des néo-panafricanistes, pour la plupart importés ou qui ne le sont devenus que maintenant qu’ils sont au pouvoir ou s’opposent au monde libre et civilisé. Nathalie Yamb, suisso-camerounaise, qui a le  « sang mêlé », plus occidentalisée qu’elle n’est africaine, n’évoque pas tant que c’est la dictature rampante et séculaire, sévissant au Cameroun, sa seconde patrie, mais, est prompte à dénoncer des partenariats libres de l’Afrique avec des puissances, prétendument, tutélaires. Elle n’hésite pas à s’offusquer d’être privée de visas de pays où elle aime vivre et voudrait s’établir, alors qu’elle les déteste, pour faire sa déclaration d’amour à un continent dont elle se sert pour faire parler d’elle et exister.

Kemi Seba, franco-béninois, lui aussi, agite sa fibre panafricaniste en s’entichant de putschistes qui bafouent la démocratie et piétinent allègrement les droits des peuples, au nom desquels, sans en avoir reçu aucun mandat, il voudrait parler et agir. La révélation récente sur ses liens étroits avec l’ours russe à travers le groupe criminel Wagner, qui finance ses déplacements et ses activités, indique qu’il est un escroc habillé en patriote africain. Quant à Franklin Niamsy, bi-national aussi, franco-camerounais, il a fait ses humanités en Europe où il roule aussi sa bosse. Il fait de la surenchère intellectuelle et des propagandes médiatiques pour arrondir des fins du mois difficiles, en se proclamant panafricaniste.

Loin de l’Afrique, de sa culture, de ses mœurs, de ses aspirations, de ses intérêts, ces agitateurs d’opinions, polémistes inutiles, en réalité, à l’image de leurs gourous et alliés, veulent se servir de l’Afrique, de sa jeunesse avec ses inquiétudes et ses interrogations, pour faire fortune, se faire une réputation de leader d’opinion et d’objecteur de conscience. Au fur et à mesure qu’on avancera dans le temps et le débat, qu’il y aura un sursaut de conscience de leurs victimes innocentes, ils seront honnis, comme la première génération de putschistes, d’indépendatistes, de révolutionnaires, de messies, de pères-fondateurs…aujourd’hui, disparus, dans l’océan des chimères qu’ils ont entretenues, des désillusions qu’ils ont occasionnées. Mais, à quel coût ?

Le monde restera libre, les États continueront à coopérer, les peuples sont appelés à unir leur destin. Gagnant-gagnant est toujours mieux que perdant-perdant, au grand dam de ceux qui pensent que le monde leur appartient, sera aussi ce qu’ils voudront, donc, versent dans le sectarisme, le communautarisme, le chauvinisme, le racisme, bref toutes ces anti-valeurs qui ont provoqué des confits, des guerres, le désarroi et les malheurs de beaucoup de peuples à travers l’univers de par le passé.