Les Forces vives de Guinée ne veulent pas laisser le champ libre au CNRD (Comité national du rassemblement pour le développement). Elles annoncent une manifestation pacifique le 5 septembre prochain. Histoire d’accentuer la pression sur les militaires qui vont célébrer ce jour-là leur deuxième anniversaire au pouvoir.

Le 5 septembre prochain, le CNRD aura deux ans. Les autorités de la transition prévoient d’organiser des parades un peu partout à travers le pays.  Manifestations de soutien, concerts géants, la junte est décidée à faire les choses à la « hauteur de l’évènement ». Mais alors que les manifestations restent interdites sur toute l’étendue du territoire, la fête anniversaire pourrait ne pas très bien se passer. Les Forces vives de Guinée (FVG), frange politique et de la société civile, opposées à la gestion actuelle de transition, prévoient d’organiser une manifestation pacifique pour réclamer, entre autres, le retour rapide à l’ordre constitutionnel. Les FVG estiment qu’à ce stade, l’on est arrivé à un point de non-retour, que seule la pression, les manifestations de rue, peuvent pousser la junte à écouter leurs griefs : « En l’absence de tout dialogue crédible, en raison de la gestion unilatérale et autoritaire de la transition qui traduit une volonté manifeste de confiscation de pouvoir par le CNRD, la mobilisation citoyenne reste la seule option envisageable pour contraindre la junte militaire au respect de ses propres engagements et sauver la Guinée du chaos et de l’instabilité qui la guettent ».

Les Forces vives de Guinée invitent donc les Guinéens à battre le pavé le 5 septembre prochain à Conakry, pour « exiger la rectification de la transition en vue d’un retour diligent, consensuel et paisible à l’ordre constitutionnel en Guinée.»        

Cette manifestation projetée par les opposants à la junte réunis au sein des FVG est diversement appréciée. Au sein de la classe politique, bien des leaders qui avaient pris leur distance avec cette entité, restent prudents. Pour Mamadou Sylla, président de l’Union démocratique de Guinée (UDG), CNRD et FVG devraient renoncer à leurs manifestations : «Les deux groupes doivent s’abstenir de se rendre coupables de trouble à l’ordre public. Si le CNRD peut manifester, c’est normal que d’autres aussi puissent sortir et marcher. Cela ne devrait pas, en principe, poser de problème. La police devrait encadrer tous ceux qui veulent manifester. Mais ce n’est pas ce qui se passe ces derniers temps. En démocratie, on peut marcher si on n’est pas content, même si on doit le faire sans casser ni blesser. Mais le refus de donner les autorisations occasionnent souvent des troubles».

Aboubacar Soumah, président de Guinée pour la démocratie et l’équilibre (GDE), lui, justifie cette manifestation par la volonté des militaires de confisquer le pouvoir : « Ils ont un agenda ! Aujourd’hui, même les photos où le colonel Doumbouya était en tenue militaire sont remplacées par des photos où il est en civil. Il y a des actes qui prouvent à suffisance qu’il y a quelque chose qui se prépare. La junte continue, de manière illégale et illégitime, à garder le pouvoir».

Le président de l’Union des forces démocratiques (UFD), Mamadou Baadiko Bah, abonde dans le même sens : « Les gens ont tendance à penser que c’est gagné, qu’ils peuvent manipuler, faire n’importe quoi, monter des gens, faire des campagnes médiatiques sur des soi-disant évaluations, des statistiques, des classements du FMI… On n’est pas en transition, ils sont installés dans leur esprit. Ils vont tout organiser, organiser leur succession au Palais, dans leur esprit, c’est cela, c’est clair ; ils sont sûrs d’eux, ils ont les armes».

Soupçonné d’être proche de la junte, Bah Oury de l’UDRG (Union des démocrates pour la renaissance de la Guinée) désapprouve la manifestation : « Tous les acteurs politiques savent que depuis plus de dix ans, la Guinée est émaillée de manifestations. Elles n’ont absolument pas apporté une évolution positive dans la manière de gérer le pays. Tout au contraire, cela a occasionné des tragédies, des décès et des destructions. Je pense qu’il faut changer de méthodes», estime Bah Oury.

La journée du 5 septembre pourrait être électrique.

Yacine Diallo