Quelque peu péjoratifs, les putschs s’imposent de plus en plus par leur fréquence en Afrique, occidentale et centrale notamment. Dans certains pays comme la Guinée, on leur avait trouvé les termes lénifiants, prise du pouvoir par l’armée, mais les choses ont fini par déborder. Maintenant, à chacun son putsch, son classement, son affiliation, sa place au sein de la CEDEAO, de l’Union Africaine, de l’Union européenne et de ses diverses capitales, de l’OTAN, de Moscou, de Wagner ou de ce qui en reste…
Il en résulte un véritable imbroglio fait de bouleversements qui ne laissent aucune capitale indifférente. Pêle-mêle, le Mali, la Guinée, le Burkina, le Tchad, le Niger, le Gabon. Avec un peu de malchance, la liste a toutes les chances de se prolonger, à cause de ou grâce à l’exemple gabonais. Ce n’est nullement jouer les prophètes de malheur que de …craindre la contagion du putsch de Libreville. Tellement que les dictatures voisines semblent arrivées à maturité.
La valse du pouvoir kaki se concentre au Mali où la chasse aux civils pourris s’avère insuffisante. Après la chute d’IBK, le Colonel Assimi Goïta a dû jeter des épaulettes redoutables loin du Palais de Koulouba avant de pouvoir dormir à poings fermés. Mais ce sommeil n’a pas manqué de provoquer l’insomnie des partenaires dans les capitales occidentales. Au point que Paris finit par abandonner ses protégés maliens « en plein vol.» Ceux-ci n’avaient de choix que celui de d’atterrir grâce aux parachutes de Wagner. La descente en douceur bouleverse les capitales occidentales. Paris en particulier n’y voit que rouge. La hantise de Moscou envahit Gouvernements et Institutions du monde libre, UE et OTAN notamment. Désormais, les coups d’État s’apprécient seloncette ligne de démarcation. Tous sont condamnés, certains du bout des lèvres; d’autres avec la plus grande des véhémences. Arrive la contagion en cascades. Les sanctions tombent selon les humeurs de la CEDEAO et ses maitres à penser et à agir. Jusqu’au discrédit propre « aux valets du néo colonialisme. » La Guinée s’en sort … inclassable. A mesure que les putschs se multiplient, les putschistes se radicalisent. Le Burkina du Capitaine Traoré s’aligne sur le Mali d’Assimi Goita. Patatras, coup d’État au Niger ! On ne sait plus où donner de la tête. Le surmenage est total. D’un côté, on appelle le putschiste en chef, M. Débris du Tchad, pour jouer les médiateurs; de l’autre, à l’Union Africaine et à la CEDEAO pour asphyxier les populations nigériennes, peut-être les pousser à la révolte. Complètement débile.
Voilà tout le monde dans la rue dans les rues du Niger pour clouer l’Occident et ses légalistes au pilori. Bazoum est tout baba.Il attend l’invasion de Niamey par CEDEAO interposée pour récupérer son trône; on lui coupe le courant au nez et l’herbe sous les pieds. Les axes intra-putschs se concertent et se renforcent, les organisations, régionales et internationales, se driblent au poing de perdre le nord-atlantique et l’ouest-africain. Chacun s’occupe de ses oignons. En sourdine.
Alassane Ouattara et Nana Akufo se retrouvent ADO ADO. Maada Bio et Embalo privilégient leur propre sécurité. Patrice et ses maigres troupes ont tout l’air d’avoir l’estomac au Talon. Faure étonné, le président Gnassingbé réalise qu’en définitive, l’aventure du Niger risque de s’avérer un bourbier, un Maquis si Sall que personne n’en sortira indemne. Surtout que le Sénat d’Abuja, le seul parlement qui fonctionne au sein de la CEDEAO, n’est pas prêt à montrer le Tinibu du tunnel. Ce n’est certainement pas pour rien que le Président Bola dort en pleine séance de travail. La France n’aurait pas dû mobiliser toute son énergie pour évacuer ses ressortissants.
Pour tout compliquer, l’une des capitales les plus fidèles de la Françafrique, le Gabon, profite d’un banal scrutin présidentiel pour déposer son chef, Ali Bongogo, traditionnellement élu avant l’ouverture des urnes, avec une simplicité et une logique déconcertantes. La décision souveraine du pouvoir de replonger le pays dans un moyen-âge temporaire choisit de se solder par un échec. La seule faille du système électoral aura porté sur « le caractère public du dépouillement.» Une aubaine pour les Gabonais qui investissent les bureaux pour la seconde en vue de témoigner de visu les fraudes massives. L’armée ne s’est pas fait prier pour s’emparer du fauteuil clanique des Bongo. «Révolution de palais», entonnent les rares opposants disséminés dans certains coins du pays. Il peut difficilement en être autrement, feu le Père de la nation, El Hadj Oumar Bongo Ondimba, a laissé des épouses, une cinquantaine d’orphelins et d’orphelines talonnés par une flopée de courtisans, d’opportunistes, de militants de première heure, de fonctionnaires de droit divin, à même de remplir n’importe quel palais président-ciel.
Le mauvais héritage relève plutôt de l’une des causes du coup d’État : « les élections tronquées.» L’argument est nouveau. Quasiment, toutes les dictatures de la zone doivent trembler. Dieu sait qu’il y en a.
Diallo Souleymane