Mardi 10 octobre, le procès du massacre du 28 septembre 2009 a suivi son cours normal au tribunal de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Les victimes Ibrahima Kalil Bah, Mamoudou Baldé, Mamadou Djouma Diallo, Mamoudou Sow et Mamadou Aliou Diallo se sont succédé à la barre pour expliquer leur calvaire au stade le jour du massacre. Tous ont accusé les forces de défense et de sécurité de les avoir, soit tiré dessus, frappé ou poignardé, ou encore de les avoir infligé des traitements inhumains et dégradants.
Ibrahima Kalil Bah a déclaré que les militaires coiffés de bérets rouges ont fait irruption dans le stade, avec des tirs. « Ils tiraient à bout portant et les gens tombaient partout, c’était la panique générale. Je ne savais nulle part où aller, chacun cherchait à se sauver. Dans cette débandade, je suis tombé, j’ai perdu conscience. En ce moment, les bérets rouges ramassaient les corps qui étaient sur moi, j’étais complètement mouillé par le sang. Les militaires m’ont amené à la pelouse, ils m’ont mis dans un groupe d’individus, ils ont dit de nous mettre à genoux et les mains en l’air. Quelques minutes seulement, une personne a prononcé le nom de Dadis en disant : Dadis, Dadis. Immédiatement, les bérets rouges sont retournés contre nous en nous demandant c’est Dadis qui vous a dit de venir ici. Et les bastonnades ont commencé. Ils nous ont bastonnés, ils sautaient et dansaient sur nous, ils nous frappaient avec leurs fusils. C’est là où j’ai perdu deux dents et c’est là où j’ai eu l’entorse au dos. Après cette bastonnade, ils nous ont regroupés une seconde fois, ils ont dit de monter dans leur pick-up et j’ai décidé de mourir à la pelouse que d’être embarqué pour une destination inconnue. Immédiatement, j’ai pris la fuite, les autres aussi ont suivi. J’ai grimpé les grillages qui entouraient la pelouse, j’ai traversé la zone appelée Sahara, j’ai sauté une fois, pour m’accrocher à un autre mur. Là où j’étais accroché, une personne est venue s’accrocher à mon cou et une balle est venue écraser sa tête, il est tombé à l’intérieur, et moi je suis tombé à l’extérieur. Étant au sol, fatigué et épuisé, j’ai aperçu un béret rouge qui venait vers moi, j’ai coupé ma respiration. Il est venu, m’a regardé, il a dit le chien est mort, il est parti. Je me suis levé, j’ai escaladé le mur du stade vers les rails, je suis rentré dans le quartier SIG Madina, où je suis resté jusqu’à 21h avant de rejoindre mon domicile à Dixinn. »
Mamadou Djouma Diallon, quadragénaire, faisait partie de la garde rapprochée du président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG). Il était présent au stade du 28 septembre en 2009. Il a expliqué que le jour du massacre, le commandant Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba « est entré au stade et a invité les leaders à le suivre. « Venez ! », avait-il lancé. Au moment où ils descendaient, des militaires assenaient des coups aux leaders politiques, de telle sorte que le président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo, a demandé à ses gardes de se sauver. Comme les autres manifestants, Mamadou Djouma Diallo aussi a cherché à se sauver. C’est dans cette course qu’il dit avoir été poignardé à plusieurs reprises et dépossédé de sa paire de chaussure neuve de marque Timberland, de son pantalon pentagone de couleur Kaki, et d’une somme de 150 mille francs guinéens. Mamadou Djouma accuse des militaires coiffés de bérets rouges d’être à la base de sa mésaventure. En plus de ces bérets rouges, il dit avoir vu au stade de nombreux policiers, gendarmes et des agents qui arboraient les maillots du club anglais Chelsea. Le plaignant témoigne avoir vu des corps et des agents en train de poignarder beaucoup de manifestants.
« Des gendarmes ont voulu me brûler vif »
Mamoudou Sow affirme qu’il a été bastonné au stade par des gendarmes, sa mâchoire déplacée. Comble de la cruauté, ces gendarmes avaient voulu le jeter dans le feu. « Les gendarmes m’ont fouillé, ils m’ont donné un coup de cross. Je suis tombé évanoui. Puis, ils m’ont pris 50 000 GNF que j’avais en poche et mon téléphone Samsung. Comme une moto brûlait à côté d’eux, ils ont décidé de me mettre dans le feu, me brûler vif. C’est le cri des femmes qui sortaient du stade qui a fait qu’ils m’ont laissé, pour aller vers elles ». Mamoudou Sow vit toujours avec les séquelles de la bastonnade. « Actuellement, quand j’ai mal, je tombe, je m’évanoui, je souffre ».
Mamadou Aliou Diallo dit qu’alors qu’il partait au stade, il a reçu une balle au niveau de la fesse, au quartier Bellevue. Aujourd’hui, il a perdu l’usage de son pied, donc handicapé. Il accuse les agents Anti-drogue habillés en T-Shirt de couleur noire et en pantalon treillis d’avoir tiré sur lui. « A la Bellevue, nous avons trouvé des gendarmes avec des morceaux de bois avec des pointes, ils lançaient des pierres. Quand des gendarmes ont commencé à tirer à bout portant, la débandade a commencé. J’ai tenté de rebrousser chemin. J’ai vu deux personnes tomber, j’ai compris que c’était grave. Au moment où je courais, j’ai reçu une balle. Difficilement, les gens ont pu me transporter à l’hôpital de Comandanyah ». Quelques heures après, il a été transporté à l’hôpital Donka. Selon lui, la nuit, des militaires ont fait irruption à l’hôpital, ils ont cassé la Pharmacie et frappé le pharmacien. Pris de peur, les médecins leur ont dit de se mettre à l’abri, celui qui peut fuir, de chercher à partir. Ceux qui n’ont pas pu, se sont cachés. « Toute la nuit, nous entendions des bruits des véhicules des militaires. Nous n’avons pas dormi, de peur que les militaires viennent nous tuer.»
Mamadou Adama Diallo