Le procès en appel d’Amadou Damaro Camara a repris le 14 novembre devant la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). L’audience a porté sur l’appel du Parquet spécial contre la mise en la liberté du prévenu par la Chambre de jugement.

Le 9 octobre dernier, contre toute attente, la Chambre de jugement de la Crief ordonnait la liberté conditionnelle d’Amadou Damaro Camara, ancien président de l’Assemblée nationale. Le juge Francis Kova Zoumanigui estimait qu’il ne constituait en rien, à cette étape de la procédure, une entrave aux enquêtes. La joie du ponte de l’ancien parti au pouvoir, le RPG arc-en-ciel, n’a été que de courte durée. Le Parquet spécial près la Crief, dès les premières heures, le lendemain, interjette appel, estimant que la Chambre de jugement a mal jugé l’affaire. Ce 14 novembre, le président de la Cour, Noël Koulémou, a donc ouvert le procès en appel pour permettre au Parquet spécial de démontrer la nécessité de garder encore Amadou Damaro Camara en détention. 

Le procureur spécial près la Crief explique que la Chambre de jugement a « commis une grave erreur », en prenant sur elle la responsabilité de laisser l’ex-président de l’Assemblée nationale dans la nature. Aly Touré pense qu’après plus de 18 mois de détention, Damaro peut toujours être « en collusion avec les autres prévenus ou exercer une pression sur les témoins. La Chambre de jugement a méconnu des dispositions pertinentes de la loi sur la détention provisoire». Il en a pour preuve, le fait que Francis Kova Zoumanigui ait écrit à la Banque centrale, à l’Electricité de Guinée, à la Société des eaux de Guinée ou encore au CNT, pour s’assurer de la véracité des déclarations du prévenu sur l’utilisation des 15 milliards incriminés : « Il libère M. Amadou Damaro Camara sans attendre la réponse de ces structures. Le prévenu a déclaré ici, sans gêne, que l’argent de l’Assemblée nationale, c’était comme sa propre poche, il utilise à sa guise. C’est ce monsieur que la Chambre du jugement met en liberté. Quelle erreur ! La Chambre de jugement a commis une grave erreur ». Aly Touré demande à la Cour d’infirmer purement et simplement cette ordonnance : « Ordonnez le maintien en détention du prévenu jusqu’à la fin de la procédure, parce que Monsieur Damaro et son équipe se sont rendus coupables de plusieurs dilapidations de fonds publics…Sa détention constitue une mesure d’investigation, de sûreté ».

Maitre Santiba Kouyaté, avocat de la défense assure que les arguments brandis par le procureur spécial constituent une réquisition et non un motif d’appel : « Le procureur s’acharne contre la personne de monsieur Amadou Damaro Camara. Au lieu de nous expliquer le bien-fondé de son appel, il s’est déjà mis à requérir ». L’avocat demande à la Cour de confirmer l’ordonnance du 9 octobre, libérant son client. Noël Koulémou a renvoyé l’affaire au 16 novembre pour le délibéré.

Cette audience ne concernait que l’appel du parquet spécial, non le fond de la procédure. Celui-ci, pendant devant la chambre de jugement, se poursuivra le 16 novembre. Amadou Damaro Camara croupit en prison depuis avril 2022 pour un présumé détournement de 15 milliards de francs guinéens destinés à la construction du siège de l’Assemblée nationale à Koloma, dans la commune de Ratoma. Des faits qu’il rejette avec vigueur. L’ex-président de l’Assemblée nationale avait déjà bénéficié d’une ordonnance de mise en liberté pendant l’instruction. Une ordonnance qui dormirait encore dans les tiroirs de la Cour suprême, suite à un pourvoi d’Aly Touré. 

Yacine Diallo