Le 4 décembre à Conakry, le Premier ministre, Bernard Goumou, a lancé le colloque des 19èmesassises statutaires de l’assemblée générale de l’Association africaine des hautes juridictions francophones (AA-HJF). Sous le thème : ‘’Le droit transitoire en Afrique’’. Un réceptif huppé de Kaloum a servi de cadre à la rencontre.
Le colloque se tient dans le cadre du renforcement de la coopération judiciaire entre les pays membres de l’AA-HJF, en collaboration avec la Cour suprême de Guinée. Magistrats des hautes juridictions, professeurs d’université, professionnels et praticiens de droit, échangeront trois jours durant sur la thématique, afin de trouver des solutions juridiques et judiciaires aux défis liés au domaine en Afrique francophone. Il s’agit aussi de trouver les voies et moyens pour garantir l’Etat de droit et la démocratie dans le contexte des transitions politiques en Afrique. Pour l’AA-HJF, la plupart des crises politiques et des conflits meurtriers sont les corollaires directs ou indirects d’une mauvaise gouvernance, d’un pouvoir illimité ou encore d’une transition politique mal négociée.
Le Premier ministre, Bernard Goumou, déclare que « nous sommes conscients du rôle central de la justice dans la préservation de l’ordre constitutionnel et le renforcement de l’Etat de droit. La justice est notre boussole. Nos Etats et nos peuples ont besoin des institutions fortes, résistantes au temps. En votre qualité de détenteurs du pouvoir judiciaire au sein de l’Etat, votre responsabilité est prépondérante pour assurer le respect et l’application des textes et règlements qui nous régissent. »
Toutefois, le Premier ministre estime que nombreuses crises sont causées par « la faiblesse » des magistrats « face aux pressions du pouvoir exécutif. » Il rappelle que des praticiens du droit, à l’instar de Kèlèfa Sall (défunt président de la Cour constitutionnelle de Guinée) « ont connu la déchéance en raison de leur langage de vérité et ont subi le silence coupable de l’AA-HJF. Nous devons apprendre de nos erreurs. La Transition est une opportunité pour le pouvoir judiciaire de rééquilibrer ses rapports avec le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Et aux praticiens de droit à ne pas hésiter à repenser le droit et l’ordre constitutionnel si nécessaire, pour la fiabilité de nos Etats. »
Fodé Bangoura, le premier président de la Cour suprême de Guinée, indique que les présentes assises permettront de proposer des approches de solution sur le droit à appliquer en période transitoire, le rôle de la justice dans la gestion des transitions politiques, les mécanismes juridiques (normatifs et institutionnels) pour la prévention des crises politiques en Afrique. « Dans la plupart de nos pays, nous assistons au phénomène de transition politique. Il est devenu préoccupant et nous amène à y réfléchir, afin d’essayer d’amener les peuples africains à respecter strictement l’ordre constitutionnel. »
« Nous avons péché »
Victor Dassi Adossou, le président du Bureau du Conseil d’administration de l’AA-HJF et président de la Cour suprême du Bénin, appelle à des sociétés basées sur le droit et la justice.
« L’absence de justice aurait généré une situation de non paix et de crise. Nous n’avons pas toujours été des juges à la hauteur de notre mission, nous sommes parfois évadés de notre serment. Nous avons consciemment ou inconsciemment péché par compromission, par action, ou par omission. Nous avons une grande part de responsabilité à prendre dans la survenance des crises sociopolitiques en Afrique francophone. L’actualité politique ces dernières années en Afrique oblige à s’arrêter et à réfléchir sur la problématique des transitions démocratiques en Afrique. »
Tran Thi Hoang, la représentante de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), rappelle que le colloque s’inscrit dans l’objectif global de l’OIF. En d’autres termes, accompagner le gouvernement guinéen dans le processus transitoire, afin de marquer « un nouveau point de départ » vers l’Etat de droit et le principe de l’égalité. Mme Hoang invite la justice à protéger les droits humains. Elle renchérit que le colloque permettra à repenser le droit et l’ordre constitutionnel, à identifier la place des hautes institutions et les magistrats dans la définition et dans l’application du droit en Afrique.
Yaya Doumbouya