Le pouvoir de Mamadi Doumbouya se durcit jour après jour. Le musellement de la presse et la restriction de l’accès à l’internet s’ajoutent à la longue liste de violation des droits humains enregistrés sous une transition qui se voulait refondatrice.
« La Guinée est belle : nous n’avons plus besoin de la violer. On a juste besoin de lui faire l’amour. » Passée l’euphorie des premiers jours de mariage, voici venu le moment de la lucidité. Jusque-là, le commun des Guinéens avaient préféré célébrer leur libération de la tyrannie d’Alpha Condé que de s’attarder sur le profil des « libérateurs ». Si fait qu’on a donné à Mamadi Doumbouya le bon Dieu sans confession. « La situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, le piétinement des droits des citoyens, la gabegie financière […] ont amené l’armée républicaine à prendre ses responsabilités vis-à-vis du peuple de Guinée », lançait-il, le 5 septembre 2021, en s’emparant du pouvoir.
Juché sur un nuage, profitant de la détente après des années de bras-de-fer, nous l’avons cru sur parole. On savait pourtant que les Forces spéciales que Doumbouya commandait ont joué leur partition pour garantir un troisième mandat controversé à Alpha Condé. Leur siège érigé à l’entrée de Kaloum n’était-il pas une sorte de bouclier de protection du régime déchu ? La veille de la présidentielle d’octobre 2020, à l’issue de laquelle l’ancien président s’est fait élire pour la troisième fois par coup KO, les FS étaient entrées en action pour mater dans le sang les mutins de Kindia. On a malgré tout pris le colonel pour un enfant de cœur, nous délectant de ses promesses avec volupté. Telle une femme amoureuse, on s’est facilement laissés draguer sans rien voir ni entendre des mises en garde des plus avertis qu’on prenait pour des jaloux.
Retour à la case départ
« On est allés à la mort », a coutume de se targuer le président de la transition. Comme pour dire qu’il ne doit nullement son pouvoir aux suffrages des Guinéens mais à sa puissance de feu. Une chose est sûre : avant, aucun homme en uniforme n’avait réussi à renverser un régime. Jusque-là, les putschs se faisaient à la mort du Président. Même si d’une certaine manière, Toumba Diakité avait en 2009 déchu Moussa Dadis Camara, sans le vouloir ni s’emparer de son fauteuil. Lui-même argue d’une légitime défense.
Répétons-le donc, Mamadi Doumbouya croit en sa force. Et depuis qu’il est au pouvoir, il en use pour écarter les obstacles qui se dressent sur son chemin. Dès le lendemain de son coup d’Etat, il a convoqué les anciens dignitaires pour leur passer un savon, confisquer leurs documents de voyage. Puis, il a fait arrêter et incarcérer nombre d’entre eux. On y avait vu une nécessaire obligation de reddition de comptes, après une décennie de gouvernance non irréprochable.
Par la suite, la chasse aux sorcières (à laquelle les putschistes s’étaient défendus pourtant de recourir) s’est élargie à ceux qui avaient applaudi le coup d’Etat : Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo sont expulsés de leurs domiciles, jugés mal acquis par une junte devenue juge et partie. Les membres du FNDC, libérés après le renversement d’Alpha Condé, retournent en prison.
Confiscation des libertés
Lorsqu’Alpha Condé tombait, les sièges des partis politiques d’opposition étaient fermés et gardés par les services de sécurité. Rouverts par Mamadi Doumbouya, la junte interdit toutefois toutes manifestations politiques. Même pacifiques. Et puisque l’appétit vient en mangeant, les autorités de transition s’en prennent désormais à la presse. Le site d’informations Guinéematin est resté inaccessible durant des mois. Désormais, les radios FIM FM et Espace FM sont, à leur tour, brouillées. Impossible de suivre leurs émissions de grande écoute, Mirador et Grandes gueules. Elles ont en commun d’être très suivies et parfois critiques à l’égard de la junte. Et Mamadi Doumbouya n’a pas l’air de tolérer les critiques. Cerise sur le gâteau, l’accès à internet et aux réseaux sociaux a été restreint. Jusqu’où ira la junte ? Jusqu’à quand allons-nous, surtout, la laisser faire ?
Diawo Labboyah Barry