Les autorités Sud-Soudanaises ont condamné l’accès aux locaux du quotidien en langue arabe Al-Watan pour une durée indéterminée, après la publication par le média d’une lettre de condoléances qu’elles avaient envoyée à Israël. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une suspension arbitraire du média et appelle les autorités à rouvrir immédiatement le journal.
Une rédaction interdite d’accès pour avoir publié une lettre du Président. C’est la sanction que le quotidien Al Watan subit depuis le 24 novembre. Ce jour-là, plusieurs membres du Service de sécurité nationale sont entrés dans le bâtiment du média situé à Juba, la capitale du pays. Ils ont alors ordonné aux journalistes de quitter les lieux avant de condamner l’entrée du site avec un cadenas. Les autorités ont suspendu la production et la diffusion du quotidien indépendant en langue arabe pour une durée indéterminée.
En cause ? Selon les équipes du journal, il s’agit d’une représaille suite à la publication, dans l’édition du 11 octobre, d’une lettre de condoléances adressée aux autorités israéliennes après les attaques de civils par le Hamas et signée par le président sud-soudanais, Salva Kiir Mayardit lui-même. Une lettre transmise avant sa finalisation par l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Albino Bol Dhieu, remercié quelques semaines plus tard, le 17 novembre. Il aurait payé le journal Al-Watan pour publier le document en tant que contenu sponsorisé et en première page du journal.
« Le ministre a appelé la rédaction en chef du journal quelques heures après l’envoi de la lettre pour l’alerter sur son erreur, mais l’édition du jour était déjà imprimée », a expliqué à RSF, un journaliste ayant requis l’anonymat. Le rédacteur en chef d’Al-Watan, Michael Christopher, a transmis, pour preuve, les enregistrements audios de ses appels avec l’ancien ministre au Service de sécurité nationale. Contactés par RSF, les autorités sud-soudanaises et l’ancien ministre de la Jeunesse et des Sports n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
« La fermeture d’Al-Watan par les autorités Sud-Soudanaises est une mesure arbitraire et scandaleuse. Le quotidien n’a fait que publier une lettre envoyée par un ministre d’État, dans un pays où la presse écrite est sous surveillance permanente des autorités. En aucun cas les journalistes ne peuvent être comptables d’une décision ministérielle. Par ailleurs, aucune décision de suspension d’un média n’est censée pouvoir être prise sans passer par l’Autorité des médias, l’organe de régulation du pays, qui n’a là aucunement été consultée. Les autorités Sud-Soudanaises doivent rouvrir immédiatement les locaux du journal et s’engager vers des garanties plus importantes pour la liberté de la presse », déclare Sadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF.
Dans ce pays où les responsables politiques imposent leur agenda médiatique, l’indépendance journalistique est une chimère. Les médias s’exposent à des menaces si les programmes ne respectent pas la ligne voulue par le gouvernement. « Un agent du Service de sécurité nationale est chargé de vérifier le contenu de chaque édition du journal Al-Watan avant son impression », ont assuré deux sources journalistiques à RSF qui requièrent l’anonymat.
Al-Watan s’est déjà retrouvé dans le viseur des autorités dans le passé. En janvier 2019, une ordonnance interdisait au journal de couvrir les manifestations au Soudan voisin. Michael Christopher, rédacteur en chef du journal, avait été détenu pendant plus de cinq semaines la même année.
Le Soudan du Sud occupe la 118e place du Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023.
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