Les témoins défilent devant le tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, dans le cadre du procès du massacre du 28 septembre 2009. Mardi 16 janvier, Mamadi Soumaoro, chasseur donzo, ancienne recrue de Kaléya a témoigné devant la barre. Il accuse ouvertement des recrues de Kaléya d’avoir été responsables du massacre du 28 septembre 2009.
Selon Mamadi Soumaoro, à la prise du pouvoir par le CNDD, Conseil national pour la démocratie et le développement, il y a eu deux recrutements. Lui, il ferait partie du deuxième recrutement et qu’il a été recruté par le commandant Aboubacar Sidiki Diakité dit Toumba. « Un jour, la nuit, vers 23h, Makambo nous a pris pour nous envoyer au camp 66, nous avons fait des manœuvres jusqu’à 5h du matin. Entre temps, il y a eu des tris, je me suis retrouvé dans un véhicule pour aller à Kaléya. Il y avait au moins 12 000 personnes, 3 000 étaient dédiées à la présidence. Quelques jours plus tard, des cars sont venus de la Forêt (Guinée forestière). C’étaient uniquement des gens de l’ethnie du président de Moussa Dadis. Je ne pense pas que ce soient des Guinéens, parce qu’ils ne parlaient que le guerzé (Kpèlè) et l’Anglais, il y avait un interprète entre eux et les formateurs. Les compagnies Titanic et Charlie étaient dédiées la Présidence. La compagnie Titanic était majoritairement composée de féticheurs… »
Du massacre du 28 septembre 2009
Mamadi Soumaoro a indiqué qu’il a observé des mouvements au camp Kaléya le 24 septembre 2009. C’est après qu’on leur a dit que Jacques Maomi est sorti avec un groupe de soldats dont il ignorait la destination, entre le 23 et 24 septembre2009. Que le deuxième groupe est sorti devant lui. C’est un certain adjudant Bamba qui a appelé les gens, ils les ont armés avec des fusils AK 47, pour sortir en présence du Directeur du centre Bienvenue Lamah et de Gono Sangaré, Louis Kpogomou. Et qu’un autre groupe armé est sorti la nuit. « Après, Bienvenue Lamah a fait un rassemblement, il a dit si nous aussi nous faisons bien, nous irons en mission. Nous nous sommes demandés où sont allés les autres et pour quelle mission ? Mais après le 28 septembre 2009, un de nos amis, Moriba Haba qui faisait partie de cette mission, est revenu avec une moto safari alors qu’il n’avait pas de moto auparavant. Il a dit : ce qu’il a vu à Conakry, il n’en avait jamais vu pareil, il dit qu’il ne peut pas rester dans le Centre. Le soir, il est rentré à N’Zerekoré. Ses amis sont revenus au Centre blessés, mais avec de l’argent et des biens d’autrui… » Mamadi Soumaoro a précisé qu’à Kaléya, on les avait doté de maillots de Dortmund, Arsenal et Chelsea. Donc, certainement ce sont les maillots de Chelsea que ces gens ont pris pour aller au stade, dit-il. Le témoin raconte que ces éléments regroupés au sein des compagnies Titanic et Charlie se nourrissaient que de chiens, de serpents et de chats.
Des événements du 3 décembre 2009
Mamadi Soumaoro a expliqué qu’avant le 3 décembre 2009, il était ségrégé dans le camp. Bienvenue Lamah et les autres responsables de Kaléya le traitaient d’espion de Toumba Diakité. D’ailleurs, de nombreuses manœuvres auraient été faites pour l’assassiner. Mais « par la grâce de Dieu », il a échappé. Et chaque fois, il serait mis en prison pour un rien. Mais son vrai calvaire, c’est quand Toumba Diakité a tiré sur le capitaine Moussa Dadis Camara, le 3 décembre 2009. « Bienvenue Lamah a ordonné à ses parents de me tuer. Les éléments sont venus, ils ont tiré sur moi, comme ils ont compris qu’ils ne pouvaient pas me tuer avec les armes, ils m’ont attaché, ils ont pris des bois pour me ligoter. Cela a coïncidé à l’arrivée de notre formateur blanc qui est intervenu. Ils m’ont envoyé en prison. Quelques jours plus tard, on m’a embarqué pour m’envoyer au camp Alpha Yaya Diallo aux 32 escaliers. Là, avec d’autres militaires, nous avons été attachés et ligotés. Nous avons subi toutes sortes de tortures. Certains militaires ont été découpés sur place. Beugré (Mohamed Camara) a été tué devant moi, j’étais dans la même cellule que lui. Ils l’ont attaché et l’ont percé, découpé avec les machettes ». Mamadi Soumaoro accuse le capitaine Marcel Guilavogui d’être à la tête de l’équipe qui torturait et tuait aux militaires qui n’étaient pas de leur côté. Il dit avoir reconnu aussi au sein de l’équipe-là, un certain Jacques Maomi et un Thomas.
Mamadou Adama Diallo