En matière de délestage, les prévisions les plus pessimistes n’avaient pas envisagé la situation actuelle. Depuis près de trois mois, Conakry et sa proche banlieue ont renoué avec les ténèbres. Le fameux tour-tour, bien connu des Guinéens, est de retour. Mais cette fois, ce n’est pas un jour sur deux, mais le jour et la nuit.
Cette situation a bouleversé la vie des citoyens. Lesquels avaient commencé à rêver être comme tous les autres habitants du petit village planétaire. C’était trop beau pour être vrai. Subitement, terriblement, les illusions sont en train de s’effondrer. Les habitants de la capitale guinéenne se rendent compte que le courant électrique reste et demeure encore et toujours un luxe pour eux.
Tous les secteurs sont touchés. L’économie en souffre. Les ménages aussi. Même la religion en est affectée. Les petites et moyennes industries, qui avaient, pour la plupart, effacé tout tralala de groupe électrogène et autre budget de carburant, sont obligées de revenir sur leur décision et créer une nouvelle ligne de dépense. Les banques sont tenues de ronronner toute la journée au grand dam des tympans d’une clientèle désolée. Les divers prestataires de services : transfert d’argent, cyber-café, salons de coiffure, voire superettes et petits magasins d’alimentation, qui se la coulaient douce, climatiseur à l’appui derrière une porte vitrée, sont pris au piège. Désormais, le choix s’arrête à l’éventail. D’autres prestataires ont tout simplement mis la clé sous le paillasson.
Que dire des mosquées qui, elles aussi, avaient fixé des portes et fenêtres vitrées pour accompagner les fidèles climatiseurs. Aujourd’hui, une chaleur torride accueille les tapis de prière. Un fidèle se souvient «qu’avant au moins, on pouvait ouvrir largement les portes et les fenêtres métalliques. Mais avec les vitres, c’est seulement un côté qui s’ouvre. Ce qui empêche l’aération et plonge les occupants dans une chaleur qui décourage le plus fidèle à rester dans la mosquée.»
Même certaines écoles, nouvellement bâties, avaient adapté leur architecture aux nouvelles réalités de la ville. Une ville qui avait commencé à rêver de l’électricité 24h sur 24. Avec le retour d’EDG à la case départ, les enfants sont trempés de sueur. Les maîtres, itou. Bonjour les dégâts sur les gosses des nouveaux riches et malheureusement bons payeurs ! Importuner EDG pour la détérioration du climat des affaires en Guinée relève de l’impolitesse.
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, la rareté du courant électrique a rehaussé la vente d’autres articles. Ecrivez ce que vous voulez, mais les importateurs de bougies, eux, se frottent les mains ! Qui est fou ? On va vers la refondation du sous-développement, non ?
Habib Yembering Diallo