A l’image de beaucoup d’autres Guinéens, nous subissons à longueur de temps les conséquences de la hausse des prix des denrées alimentaires. Si les autorités actuelles du pays ont justifié cette hausse brusque par l’augmentation du coût d’importation, le mouvement syndical guinéen ne l’entend pas de cette oreille, puisque dans son avis de grève du 22 février, se retrouve comme point de revendication « la révision à la baisse du prix des denrées alimentaires de première nécessité ».

En tant qu’économiste, ce point m’intéresse beaucoup, car il doit être abordé avec tact et pédagogie. Dans une économie extravertie comme la nôtre (cela veut dire que nous ne consommons pas ce que nous produisons et que par ricochet, nous ne produisons pas ce que nous consommons), donc dépendante fortement des importations, nous voyons mal les autorités guinéennes satisfaire ledit point, même si elles ont toute la volonté de le faire. Parce que le prix de commercialisation pratiqué en Guinée dépend de plusieurs autres facteurs, notamment : le coût de production unitaire, le taux de change, le transport, le dédouanement. C’est pourquoi, le seul facteur sur lequel on peut agir directement ici, c’est mon avis, c’est le dédouanement.

Aussi, signer des accords avec les opérateurs économiques dans le but de maîtriser l’ascension des prix dans un pays où l’on prône le libéralisme économique ne mènera nulle part sans mesure d’accompagnement. Toutefois, nous saluons l’effort fourni par les autorités de transition à ce niveau à l’approche du ramadan comme à l’accoutumée, quoi que l’effet escompté n’ait été jamais observé en Guinée jusque-là. Cet accord ne va jamais produire d’effets sans mesure d’accompagnement, car réglementation rime aussi avec surveillance et sanctions.

Cependant, l’application de ces mesures demande beaucoup de moyens. Et parlant des moyens, nous n’en disposons pas à ce jour. Et pourtant, la résolution de cet épineux problème passe forcément par la mise en place d’une politique agricole fiable, capable de répondre aux besoins de la population comme l’avait entamé d’ailleurs le ministre Nagnalen Barry. A titre de rappel, la Guinée dispose de 6,2 millions d’hectares de terres cultivables dont 25% seulement sont cultivées annuellement. Le potentiel de terres irrigables est aussi estimé à 364 000 ha dont 30 200 ha actuellement aménagées, selon le rapport de la FAO de 2014. Malgré ces potentialités, la Guinée reste encore prédominée par une insécurité alimentaire qui ne fait que gagner du terrain.

Au cours de la décennie écoulée, la croissance moyenne annuelle enregistrée par le secteur agricole tourne autour de 4%. A mon avis, cette situation trouve son explication dans la politique économique menée jusque-là par l’Etat guinéen. En examinant la Loi de Finance 2022, l’on constate avec regret que la part du budget allouée au secteur agricole ne représente que 4,6% contre 7,2% dans le budget 2018 contre à minima 15% dans la région ouest africaine. Ce qui est à mon sens déplorable car, tous les économistes du monde entier sont unanimes que l’agriculture est la pierre angulaire du développement et l’industrie son moteur. Rappelons en passage, suivant la déclaration de Maputo de 2003, l’Union Africaine a engagé tous ses Etats membres à accroître leurs investissements dans le secteur de l’agriculture à hauteur au moins de 10% de leur budget national.

L’insuffisance de politique agricole fiable et la faible part du secteur agricole dans le budget de l’Etat constituent non seulement un frein au développement de ce secteur (pierre angulaire de notre développement économique) mais aussi et surtout, explique, à notre sens, l’insécurité alimentaire dans laquelle se trouvent les ménages guinéens et la forte dépendance de l’étranger en ce qui concerne les denrées alimentaires.

Tant que nous ne prendrons pas conscience des atouts dont nous disposons afin de les utiliser pour répondre à nos besoins, nous allons longtemps tourner en rond mais, nous ne parviendrons jamais à aller de l’avant. La volonté sans action n’a jamais développé un pays. Il est de notre devoir de nous lever pour travailler la terre qui ne trahit jamais. Mais, il est du devoir de l’Etat aussi d’accompagner les agriculteurs, de protéger leurs champs des incendies volontaires, de punir les délinquants qui incinèrent les champs des citoyens qui investissent plusieurs millions pour développer ce secteur, de remettre notre économie en pleine crise en marche, afin de pousser les jeunes qui empruntent le chemin de l’exil à retourner, pour travailler chez-nous. La liste n’est pas exhaustive.

Safayiou Diallo

Economiste