Le 9 et le 10 février, au Centre d’excellence d’Afrique pour la prévention et le contrôle des maladies transmissibles, CEA-PCMT, l’équipe du projet les Femmes S’ELEVENT, une initiative soutenue par le Centre de Recherche pour le Développement International (CRDI) du Canada, ont restitué les résultats des recherches qu’ils ont menées sur la santé et le bien-être économique des femmes après le passage de la pandémie du Covid-19 en Guinée. C’était à l’intention d’un groupe de professionnels de la santé et des membres de la société civile. Le projet « recherche-action » porte sur les périodes pendant et après Covid-19 pour que cette dernière soit inclusive, durable et équitable pour les femmes.
A la fin de l’épidémie d’Ebola en 2016, des études réalisées ont montré un impact négatif de l’épidémie sur le bien-être socioéconomique des femmes et la nécessité « d’intégrer le genre et les vulnérabilités dans la réponse aux menaces sanitaires » en Guinée. Les résultats ces études ont conduit à la conception des politiques de préparation, de gestion et de reprise post-épidémique. L’objectif était de permettre à la Guinée de mieux prendre en compte la situation des femmes dans la mise en œuvre des mesures de riposte contre d’éventuelles épidémies. Cependant, la mise en œuvre des mesures de riposte contre Covid-19 a montré que les recommandations issues de ces études n’ont pas totalement été prises en compte. Un projet de recherche intitulé : « Soutenir la Santé et le bien-être Économique des Femmes pour un Rétablissement Inclusif, Durable et Équitable après le COVID-19 en Guinée» a été initié dans le but de d’apprendre de la situation et de contribuer au renforcement des capacités de la Guinée à mener une préparation, une réponse et un rétablissement équitables en cas d’urgences sanitaires en mettant en œuvre des interventions basées sur le genre qui soutiennent la santé et le bien-être économique de la couche féminine.
Dans ce projet, les recherches ont touché plus 3 000 personnes dans le Grand-Conakry comme à l’intérieur du pays. Elles ont porté sur quatre thématiques : l’analyse du niveau et des capacités des décideurs et des autres acteurs impliqués dans la riposte à la pandémie du Covid-19 et de la reprise post pandémique. Pour cette thématique, les débats ont tourné notamment sur les perceptions sociales et culturelles sur le genre, les attitudes et pratiques favorables à l’inclusion du genre. L’analyse du contenu des documents de politique et de stratégie nationale de lutte contre le Covid-19, du contenu de la littérature scientifique sur l’intégration du genre et de l’inter-sectionnalité des vulnérabilités ; l’analyse de l’écosystème politique, des logiques d’intérêts qui ont entravé l’intégration du genre et de l’inter sectionnalité des vulnérabilités et l’analyse des effets des politiques et stratégies de réponses à la Covid-19 sur la santé et le bien-être des femmes dans différentes situations de vulnérabilité, sont les autres thématiques.
Selon le facilitateur, Dr Fassou Mathias Grovogui, ces études ont permis ont mis évidences des insuffisances en ce qui concerne le volet économique et social aux épidémies dans le pays : « Les études ont montré qu’en matière de lutte contre les épidémies en Guinée, il y a eu des progrès notamment sous le prisme sanitaire, mais il s’avère qu’en ce qui concerne les inégalités sociales, les questions de vulnérabilité et de genre n’ont pas suffisamment été intégrées dans le volet social. C’est vrai que des décisions ont été prises pendant le Covid-19 pour soulager des ménages, mais les mesures, telles que prises, n’ont pas spécifiquement touché ceux qui en avaient le plus besoin ».
A l’apparition du Covid-19 en Guinée, les autorités d’alors avaient décidé d’apporter des réponses afin de soulager les Guinéens éprouvés par la maladie. Ces réponses se sont articulées autour des volets sanitaire et économique. Mais les résultats prouvent que l’approche du gouvernement a occasionné plutôt « une sorte de dualité dans l’organisation de la riposte et une inefficacité pour l’atteinte des objectifs ». Il conclut que la Guinée n’a pas suffisamment tiré les leçons de l’épidémie à virus Ebola. Ce qui aurait occasionné la mise à l’écart du facteur genre pendant la conception du plan de riposte au Covid-19.
Dr Fassou Mathias Grovogui espère que ces résultats pousseront les décideurs politiques à être désormais beaucoup plus regardants sur le sujet : « Nous osons croire que les décideurs et les partenaires feront en sorte que la couche féminine soit considérée comme un élément important dans la mise en œuvre de leur agenda, parce qu’il est prouvé que les effets indirects des épidémies ont parfois plus de conséquences sur les femmes que les épidémies elles-mêmes. »
Fatoumata Diaraye Kaba, membre de la coalition des femmes leaders de Guinée : « À partir de cette recherche, nous avons des données probantes à transmettre aux décideurs politiques. Nous espérons qu’à partir de là, les besoins des femmes seront pris en compte, sur leur santé et leur bien-être économique. »
Christiane Tolno a participé à l’atelier. Elle veut aussi que ces études servent de nouveau départ pour les gouvernants : « Ces résultats permettront d’avoir un aperçu sur l’impact du Covid-19 sur la vie des femmes. Ils permettent aux décideurs et aux ONG d’avoir une meilleure vue, de prendre les meilleures décisions par rapport à la riposte face aux épidémies en Guinée. »
Yacine Diallo