Samuel Eto’o, président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), n’accepte pas la nomination par le ministère des Sports de Marc Brys comme sélectionneur des Lions indomptables. Un feuilleton qui tient en haleine le Cameroun depuis une semaine. France 24 revient sur les différents épisodes de cette polémique.
Au Cameroun, le feuilleton du mois d’avril est digne des plus grandes séries américaines à rebondissements. La maison des Lions indomptables se déchire dans une guerre quasi-ouverte entre le ministère des Sports et la Fédération de football autour de la question du nouveau sélectionneur de l’équipe nationale. Retour sur cette série en six épisodes.
Épisode 1 : le départ de Rigobert Song
Aux origines du conflit, il y a avant tout une CAN 2024 ratée pour le Cameroun. Le « Continent » a enchaîné les prestations peu convaincantes avant d’être éliminé en huitièmes de finale par le Nigeria.
Entre ça et la très mauvaise dynamique des Lions indomptables depuis la nomination de Rigobert Song à la tête de l’équipe en février 2022, le destin du sélectionneur était scellé. Le 28 février, Samuel Eto’o, président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot), officialise sur France 24 ce que tout le monde sait déjà : le sélectionneur va partir, non renouvelé.
Indiquant souhaiter un profil plutôt « étranger » et d' »expérience », Samuel Eto’o a également indiqué que Paul Biya, le président du Cameroun aura son mot à dire dans la nomination du nouveau sélectionneur : « Nous allons travailler sur plusieurs profils et on va les envoyer au chef de l’État. Car vous savez, chez nous, il faut l’accord et l’avis du chef de l’État sur proposition de la fédération camerounaise », a-t-il détaillé. « Sur les trois profils que nous proposerons, nous espérons que l’un d’eux retiendra l’attention du premier sportif camerounais. »
Épisode 2 : le ministre des Sports annonce la nomination de Marc Brys
Jusqu’ici, rien de particulièrement anormal. Après plus d’un mois de réflexion, le nom du nouveau sélectionneur est annoncé le 2 avril. Il s’agit d’un Belge, Marc Brys, qui a fait l’essentiel de sa carrière de coach dans son pays où il a dirigé dix clubs. Il a aussi entraîné aux Pays-Bas et en Arabie saoudite.
Mais déjà, un détail peut cependant faire tiquer : c’est le ministère des Sports qui annonce lui-même la nomination du nouveau sélectionneur des Lions indomptables et de son staff, qui compte, entre autres, l’ex-attaquant François Omam Biyik, icône du football camerounais des années 1980-1990.
Épisode 3 : double communiqué de la Fecafoot
Le détail n’en est pas un. La Fecafoot affirme ne pas avoir été consultée sur le choix de Marc Brys. Elle fait d’abord part de sa surprise avant de juger « illégalle » cette nomination dans deux communiqués successifs datés du mercredi 3 avril.
Dans le premier, publié sur Facebook, la fédération affirme que cette nomination s’oppose au décret présidentiel « portant organisation et fonctionnement des sélections nationales de football », qui précise que la gestion sportive des sélections relève de la compétence de la Fecafoot.
Puis dans une lettre au ministère des Sports, mais largement rendue publique, Samuel Eto’o juge de nouveau cette nomination illégale. « La fédération nationale ne saurait reconnaître ces nominations effectuées en-dehors de tout cadre légal et réglementaire », s’insurge l’ancien international camerounais.
Il exhorte le ministre à « prendre acte de [leurs] remarques, tout en restant disponible pour une collaboration dans le respect des textes en vigueur » conclut-il.
En creux, la Fecafoot reproche au ministère d’avoir ignoré les candidatures préparées par la fédération, à savoir le Français aux commandes des Bleues, Hervé Renard, le Portugais aux manettes du Nigeria, José Peseiro, et l’Italien Fabio Cannavaro.
Épisode 4 : la réponse en trois pages
Dans la guerre des communiqués, la réponse du ministre intervient le vendredi 5 avril. Dans un long exposé de trois pages, Narcisse Mouelle Kombi ne manque pas de tacler le bilan de Samuel Eto’o avec les « résultats particulièrement médiocres des Lions indomptables ».
« Les trois candidatures soumises par vos soins présentaient chacune des prétentions salariales exorbitantes. Au regard de l’imminence des éliminatoires de la Coupe du monde 2026, nous vous tenons informé que le ministère des Sports a d’ores et déjà pris toutes les dispositions utiles et nécessaires, adéquates et appropriées (…) pour l’entrée en fonction du nouvel entraîneur-sélectionneur », argue le ministre.
Le membre du gouvernement répond également aux arguments judiciaires de la Fecafoot rappelant que par le passé, Clarence Seedorf, Antonio Conceiçao et Rigobert Song ont été nommés par le même mécanisme qui a abouti au choix de Marc Brys, soit « l’article 9 de la Convention Minsep-Fecafoot », et ce, sans « que cela ait suscité la moindre polémique ».
Article 9 dans lequel il est indiqué que « les membres des structures d’encadrement des sélections nationales de football sont recrutés soit sur la base d’un contrat signé avec le président de la Fédération camerounaise de football, après avis obligatoire du ministre chargé des Sports, soit sur la base d’une mise à disposition de l’État. »
Épisode 5 : la sécession
La réponse n’a cependant pas convaincu la Fecafoot d’arrêter la fronde.Samedi 6 avril, le comité d’urgence de la fédération a demandé à Samuel Eto’o de choisir un nom dans les 72 heures. Pour justifier cette décision, la Fecafoot s’appuie sur un autre décret qui assure que la gestion sportive de l’équipe nationale relève de sa propre compétence.
« À l’unanimité des membres présents, le comité d’urgence recommande au président de la Fecafoot de lui soumettre, en application des articles 4 du décret N°2014/384 du 26 septembre 2014 et 40 alinéa 11 des statuts de la Fecafoot, des propositions de nomination des membres des structures d’encadrement des sélections nationales de football dans un délai de 72 heures », explique l’énième communiqué de ce feuilleton à rallonge.
Épisode 6 : et maintenant la paix ou une nouvelle saison ?
Quel sera le prochain rebondissement dans cet imbroglio camerounais ? Dans l’immédiat, il s’agira de voir si Samuel Eto’o et la Fecafoot vont au bout de leur démarche et nomment effectivement un deuxième sélectionneur à la tête des Lions indomptables.
Et alors que le football camerounais s’enfonce dans la crise, il faudra aussi voir à quel moment la Fifa ou la CAF sifflera la fin de la récréation. En effet, l’article 14 des statuts de l’instance internationale stipule que les associations membres doivent « diriger leurs affaires en toute indépendance ».
De là à imaginer le Cameroun privé de CAN ou de Mondial en sanction comme le prévoient les statuts régissant le football mondial ? « Le règlement de la Fifa ne s’applique qu’aux petites nations », juge Xavier Barret, consultant pour RFI et France 24, dans l’émission le Café des sports.
À plus court terme, il faudra aussi observer la réaction de Marc Brys, l’un des principaux concernés. Le Belge est arrivé dimanche à Yaoundé. Accueilli par la presse, il a déclaré : « Je suis très excité ! Je voudrais déjà commencer et on est prêt à mettre les choses en place. J’étais très content du processus de sélection. C’était très professionnel. »
Il a également fait part de son souhait de rencontrer Samuel Eto’o pour aplanir la situation. Ça ne sera pas du luxe.
France24