Le procès du massacre du 28 septembre 2009 a repris lundi 15 avril, au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, à Kaloum, avec la confrontation entre les accusés capitaines Moussa Dadis Camara, Marcel Guilavogui et commandant Aboubacar Toumba Diakité. Ont été abordés, la chaîne de commandement militaire, le rôle de chacun de ces membres du CNDD (Conseil national pour la démocratie et le développement) dans la gestion du pouvoir et surtout la gestion du meeting du 28 septembre 2009 qui a viré au massacre. Les accusés se sont rejeté la responsabilité.
A l’entame, le président du tribunal, Ibrahima Sory 2 Tounkara, a posé la question de savoir qui, à l’époque, commandait le Régiment de la Présidence. L’ancien président de la transition, capitaine Moussa Dadis, a affirmé que le Toumba Diakité assurait la fonction de commandant du régiment, puisque les commandants Aïdor Bah et Sâa Alphonse Touré n’étaient plus en fonction. Même s’il n’a pas pris un acte nommant Toumba, il soutient qu’à cause de la confiance qu’il avait en Toumba, il l’a confié cette responsabilité. Comment devient-on commandant de régiment ? questionne le président du tribunal. Moussa Dadis répond : c’est le président qui prend un acte, et il réitère : « La confiance que j’avais en Toumba était suffisante, pour assumer cette responsabilité. »
Au cours des débats, Toumba et Marcel affirment que le capitaine Dadis avait ordonné l’arrestation de Sâa Alphonse Touré et Aïdor Bah, respectivement Commandant et Commandant adjoint du Régiment de la Présidence. Ce sont des contre-vérités, s’exclame l’ancien président de la transition qui parle de variation dans les déclarations de ses coaccusés.
Par rapport aux recrues de Kaléya qui auraient été présentés au camp Alpha Yaya Diallo et qui auraient fait des démonstrations devant lui, Dadis a nié, arguant que c’est une « allégation ». S’agissant à une garde parallèle qui existerait à la Présidence, Moussa Dadis a également nié, catégoriquement. « Ce sont des allégations », clame-t-il.
Marcel et Toumba font bloc
Marcel Guilavogui et Aboubacar Toumba Diakité semblent fumer le calumet de la paix depuis que le premier est revenu à la barre, pour confirmer la plupart des déclarations du second. En tout cas, les deux anciens aides de camp sont catégoriques : capitaine Moussa Dadis Camara était le commandant du Régiment de la Présidence. Ils demandent d’ailleurs à l’ancien Président de prendre ses responsabilités et reconnaître les faits. Toumba d’expliquer : « Je voudrais rappeler qu’il est question d’Etat, ce n’est pas un jeu. C’est pourquoi, à la prise du pouvoir, les fonctions ont été définies de sorte qu’une seule personne ne pouvait, en aucun cas, être par-ci et par-là. C’est pourquoi, la gestion de la Présidence est partie à la nomination d’un ministre chargé de la sécurité présidentielle en connaissance de cause et des décrets ont été pris pour nommer le commandant du Régiment et son adjoint et me nommant aide de camp. Donc, mon autorité était circonscrite au salon. Cela n’est pas un fait de hasard, parce que tout le monde était connu, les fonctions étaient réparties. Il est facile de comprendre que la gestion du commandement des hommes, c’est le Président qui, de son pouvoir discrétionnaire, nommait qui il voulait dans les différentes fonctions. S’il a nommé des personnes à des fonctions dont il ne connaissait pas les attributions, il ne pourra qu’en vouloir à lui-même. Le Président cumulait tout, il coordonnait tout. C’est le commandant du salon et le commandant des opérations qui planifiaient les sorties du Président ».
Le juge a rappelé que lors de sa première comparution, Toumba avait dit que le Président était en colère le jour du massacre au point qu’il avait dit : « Le pouvoir est à terre, ils vont le regretter, allez les mater ». « Oui, il l’a dit », selon Toumba Diakité. Moussa Dadis rétorque que ce sont des allégations. Par rapport aux recrues de Kaléyah, l’ancien aide de camp affirme qu’il n’y a aucun doute, il y avait des éléments dans le camp et que ce sont des proches de Moussa Dadis qui les entretenaient.
Pour étayer son argumentaire, Marcel Guilavogui explique que l’armée est très complexe, « l’autorité de l’armée ne doit pas faillir, sinon il en est responsable. » Les titres de responsabilité incombent au Président de la République. Je n’ai vu aucun acte nommant une autre personne au Régiment à la place du colonel Sâa Alphonse Touré et du colonel Aïdor Bah, parce que c’est lui (Dadis Ndlr) qui a révoqué les deux… »
Mamadou Adama Diallo