La Société des eaux de Guinée (SEG) est le service public qui approvisionne tant bien que mal les Guinéens en eau. Une desserte irrégulière, partielle et à la qualité très douteuse.
Au quartier Simbaya 2, dans la commune de Matoto, l’eau de la Société des eaux de Guinée coule dans les robinets trois jours par semaine. Trois précieux jours durant lesquels les ménages desservis (la plupart des quartiers de la capitale n’ont pas l’eau de la SEG depuis des lustres) remplissent seaux et bidons, en guise de réserve de sécurité. Abdoulaye Keita et ses amis s’abritent de la canicule sous un manguier : c’est le week-end et l’heure du thé, préparé à l’eau du robinet. Le liquide aux impuretés visibles même à l’œil nu sert aussi à la cuisson des repas et aux nombreuses taches ménagères. Pour la boisson, « quand l’eau vient, on ne peut l’utiliser directement. On la filtre, parce qu’elle contient toujours des débris. L’eau, normalement incolore, devient rouge. Si vous patientez, elle redevient claire », s’étonne Abdoulaye Keita.
A Tombolia Plateau, quartier situé entre Entag et Dabompa, la desserte en eau est plus constante qu’a Simbaya 2. Mais elle garde le même déficit de qualité. « Pas plus tard qu’avant-hier, raconte Lanciné Doumbouya, en me lavant dans ma douche, j’ai remarqué que les premières gouttes étaient très noires. J’ai même eu peur. Après une quarantaine de secondes, l’eau est redevenue claire. »
Doumbouya a arrêté de boire l’eau courante depuis belle lurette. « L’État doit revoir les tuyaux qui desservent les concessions, il se peut qu’ils soient rouillés. Sinon, nous risquons des maladies comme la diarrhée, la fièvre typhoïde. » Des risques que confirme le Dr Ben Youssouf Keita, médecin généraliste. « On peut utiliser l’eau pour faire le linge et la cuisson. Pendant la cuisson, l’eau est bouillie à plus de 90 voire 100 degrés. Ce qui élimine les germes », précise le médecin.
Réseau vandalisé, branchements clandestins
Quant à l’hypothèse de vétusté des conduites d’eau, nous avons tenté en vain d’obtenir la version de la Direction générale de la Société des eaux de Guinée et de son agence de Wanindara. « Tous les tuyaux en plomb pouvant générer des débris ont été remplacés par des tuyaux plastiques », explique le Docteur Abdoul Rahmane Chérif Haïdara, médecin de santé publique et ancien collaborateur de la SEG dans le cadre de la surveillance de la qualité de l’eau. « C’est impossible que l’eau qui quitte la source se retrouve avec des impuretés vous obligeant à la filtrer à la maison. La SEG ne distribue jamais une eau dont le niveau de turbidité est supérieur à la norme OMS », se veut formel le Dr Haïdara.
Bien que l’eau soit décantée et traitée à la source, celle qui arrive dans les ménages n’est pas potable et contient des débris. La réserve disponible ne peut être distribuée à tout le réseau quotidiennement. Pendant ce délestage, le vide dans les tuyaux est occupé par des débris que la SEG ne peut contrôler, poursuit le Dr Chérif Haïdara : « Avec la prédation du réseau, il y a déperdition d’eau et de clore. Le réseau est vandalisé un peu partout. Il y a des branchements clandestins au cours desquels la terre introduite dans les tuyaux peut être retrouvée dans les robinets. Il y a également d’autres activités anthropiques qui détériorent la qualité de l’eau entre le puisage et la consommation. Si vous puisez de l’eau propre avec un récipient sale, l’eau devient sale. »
Pour ne pas contracter des maladies, de nombreux consommateurs se tournent vers les eaux minérales ou des forages. Dans tous les cas, les spécialistes recommandent de désinfecter l’eau, avant de la consommer. Si elle est source de vie, elle peut aussi être cause de maladie, voire de la mort.
Diarouga Aziz BALDE