En trois phases,  les procureurs se sont relayés pour démontrer la culpabilité des accusés notamment en tant que chefs militaires, supérieurs hiérarchiques. D’où la demande persistante de requalification des faits en crimes contre l’humanité. Premier à prendre la parole, le substitut Abdoulaye Babady Camara a rappelé que ce sont les velléités de garder le pouvoir des membres du CNDD et de son président qui ont amené les leaders politiques et d’opinion à appeler à une manifestation le 28 septembre 2009. Il a expliqué qu’une foule compacte, venue de partout à Conakry et environs, a rallié le Stade du 28-Septembre. Les bérets rouges de la garde présidentielle, accompagnés des civiles armés, « ont fait irruption, tiré sur la foule, bastonné, tué et violé des femmes. » A tous ces faits,  le procureur a rappelé que tous les accusés ont adopté la stratégie de la négation.

Quid des preuves ?

Prenant le relai, le substitut Sidiki Camara a abordé pour sa part la question des preuves. Le magistrat rappelle qu’un rapport de l’Hôpital Donka a fait état de 815 victimes : des mutilés, blessés par balles, des femmes violées… Il s’est appuyé sur la déclaration des témoins et des victimes qui ont défilé à la barre. Concernant le nombre de morts, il s’est appuyé sur les statistiques du  Professeur Hassane Bah, lequel a dit avoir reçu  58 corps. Valentin Haba, ancien directeur de la police, avait également soutenu avoir participé au ramassage de 54 corps. Le journaliste Amadou Diallo a évoqué 87 corps et le général Oumar Sanoh, chef d’état-major général des armées au moment des faits, 157 corps. Il estime que ces chiffres suffisent à confirmer qu’il y a eu bel et bien massacre le 28 septembre 2009.

Selon toujours le raisonnement du substitut du procureur, le fait que le capitaine Moussa Dadis Camara, sur la télévision France 24, a rejeté l’entière responsabilité du massacre aux leaders politiques montre qu’il était informé de ce qui s’est passé.

Quant aux disparus, beaucoup de parents n’ont toujours pas retrouvé les leurs, a rappelé Sidiki Camara : « Les atrocités dont nous parlons ont  effectivement eu lieu, insiste le magistrat. Les armes ont été utilisées. Les militaires de la garde présidentielle se sont fait aider par les recrues de Kaléah pour perpétrer ces crimes odieux au Stade. » Sidiki Camara cite de nombreuses victimes témoins de la présence des accusés et des recrues sur les lieux du crime, le 28 septembre. Il a brandi des vidéos, audios et témoignages divers pour tenter d’asseoir la conviction du juge.

Toutefois, il demande au tribunal d’écarter le rapport de la Commission d’enquête nationale pour insuffisance. « La responsabilité de commandement est  une entreprise criminelle commune.  Le président Dadis Camara savait que le meeting allait se tenir. Il n’a rien fait pour que le meeting ne soit pas réprimé. Il ne s’est pas limité là, il s’est rendu sur le terrain.  Il n’a pas sanctionné quelqu’un.  Il a été révélé que le colonel Moussa Tiégboro Camara a pris part à une réunion préparatoire de 23h à 4h du matin au camp Alpha Yaya (siège de la présidence d’alors. Lui-même s’est rendu au Stade.  Il était au courant de tout, il dirigeait des hommes. »

Après les plaidoiries des avocats de la partie civile, suivies des réquisitions du parquet, la parole sera à la défense à partir du 27 mai. Les avocats des onze accusés développeront à leur tour leurs arguments pour convaincre le tribunal de l’innocence de leurs clients.    

Ibn Adama