Une heure et quart, c’est le temps mis par le Premier ministre pour présenter la déclaration de politique générale de son gouvernement. Une intervention axée sur le social, le politique et l’économie.
Au compte du premier axe, il est à retenir la solution préconisée par le gouvernement pour venir en aide aux sinistrés de l’incendie du dépôt d’hydrocarbures de Kaloum. Il s’agit d’une allocation de logement de deux ans en faveur de 55 concessionnaires et d’une trois-centaine de locataires. Suivra, « dans les meilleurs délais », la reconstruction des habitations détruites suivant un programme de bail-partage, conformément au schéma directeur de la ville de Conakry.
Bah Oury ambitionne également de rehausser le taux de scolarisation gratuite au moins des six premières années, en augmentant les allocations budgétaires du secteur éducatif, de construire plus d’établissements scolaires pour réduire la dépendance au privé et d’engager 20 000 enseignants. L’objectif final étant de lutter contre le chômage. Il est prévu à cet effet de créer une banque d’investissements pour l’emploi des jeunes.
Alors qu’entre 2014 et maintenant, 1,5 million d’enfants n’ont pas été vaccinés depuis leur naissance, Bah Oury promet une prise en charge sanitaire à hauteur de 80% des fonctionnaires et détendre par la suite cette couverture aux agents du secteur informel.
La promotion de la santé passe aussi par l’assainissement. C’est ainsi qu’il annonce la volonté de son gouvernement de construire une usine de traitement des ordures et de poursuivre la construction du centre d’enfouissement de Kouriah (Coyah) afin de déplacer la montagne d’ordures de la décharge de la Minière, à Dar-es-Salam.
Simandou, l’espoir
Abordant le volet économique de son intervention devant les conseillers du CNT, le chef du gouvernement a dit sa volonté de transformer les défis en opportunités. Mais pour éradiquer la pauvreté, il est obligatoire d’avoir un taux de croissance économique trois fois supérieur à celui démographique. La lutte contre la corruption doit se poursuivre et se renforcer à travers la Cour de répression des infractions économiques et financières (Crief). « La justice doit prévaloir sur toutes autres considérations », estime Bah Oury. Il a également appelé à l’absorption économique des financements disponibles, à la construction d’infrastructures, même s’il se réjouit des efforts déjà consentis dans des voiries urbaines de Conakry et de l’intérieur du pays, la construction de ponts et échangeurs. « La Guinée est en chantier, nul ne peut le nier », a-t-il lancé du haut de la tribune. Il met un accent sur l’urgence à reconstruire notamment l’axe Mamou-Faranah et Mamou-Labé, en très mauvais état.
500 mégawatts d’électricité
La crise d’électricité ne pouvait ne pas être abordée par Bah Oury, lequel s’est félicité de la coopération avec le Sénégal et la Côte d’Ivoire ayant permis d’amortir le déficit. Le travail doit se poursuivre avec la mise à disposition de 500 mégawatts d’énergies renouvelables prochainement sur 1000 nécessaires, afin de prévenir l’année prochaine la crise traversée pendant la période d’étiage en 2024. Selon le Premier ministre, 500 millions de dollars suffiraient à définitivement résorber la crise énergétique guinéenne. Un montant presque de moitié moins important que la facture qu’aurait coûté la reconduction du contrat avec la centrale thermique flottante du bateau turc Karpowership. Toutefois, le mystère reste entier sur ce le coût de l’interconnexion depuis le Sénégal et la Côte d’Ivoire.
Bah Oury a flétri la politique qui consiste à vendre de l’énergie à EDG. Il a annoncé la nationalisation imminente, sans préciser comment, de toutes les infrastructures énergétiques (détenues par des privés). EDG absorberait 4000 milliards de francs guinéens de subvention, « pour peu de résultats », regrette un Premier ministre plus que jamais convaincu de l’urgence à réformer la gouvernance de l’Electricité de Guinée.
Une première phase de 500 millions de dollars aurait été bouclée pour financer l’adduction d’eau dans la région du grand Conakry.
Bah Oury a par ailleurs défendu l’urgence à digitaliser l’administration guinéenne, pour améliorer la gouvernance.
Abordant le secteur minier, il s’est réjoui de la construction d’une raffinerie d’or à Gbessia. Et celle projetée d’alumine à Boké. Cependant, il mise sur l’entrée en production du projet d’exploitation du fer du Simandou pour réussir le pari de la transformation économique de la Guinée. Les revenus annoncés de l’Etat oscillent entre 1,5 et 2 milliards de dollars par an. La construction du Transguinéen « permettra de relier l’Atlantique aux confins de Beyla » par un chemin de fer multi-usagers: mines certes, mais également personnes et marchandises pourront être transportées par ce corridor, le long duquel émergeront des villes, se veut optimiste Bah Oury.
Un dialogue politique indispensable
Sur les chantiers de l’agenda de la transition, le chef du gouvernement a annoncé le démarrage des activités relatives à la cartographie censitaire. Le Recensement administratif à vocation d’état-civil est une nécessité, à ses yeux. Car la transition « n’est pas qu’une question de passation de pouvoir », a réitéré le locataire du palais de la Colombe. Mais une occasion de refondation du pays, projet cher à son patron Mamadi Doumbouya. Quant au référendum pour l’adoption d’une nouvelle constitution, Bah Oury l’annonce pour la fin d’année. « Maintenir le dialogue avec tous est indispensable. Cela n’est pas synonyme de faiblesse ni de laxisme mais la nécessité de maintenir des échanges entre des personnes responsables pour faire avancer la collectivité nationale », a assuré le Premier ministre. Toutefois, prévient-il, « il faut faire tout ce que je veux, tout ce que je pense n’est pas un dialogue. C’est une dictature. »
Après une laborieuse allocation, une pause s’est imposée pour permettre au chef du gouvernement de souffler un peu… avant de faire face aux questions des conseillers.
Diawo Labboyah