La création de l’OGAP le 22 mai par les Associations de médias, comme l’a demandé la Primature, était censée baisser la tension entre les CNRdérives et la presse privée. Mais, la junte guinée-haine continue de malmener la liberté d’expression.
Les 22 et 23 mai, le mystère de l’Info et de la communication et l’Autorité de régulation des postes et télécomplications (ARPT) ont asséné un coup de massue sur trois groupes de médias audiovisuels privés : Djoma médias (radio, télé et relais dans huit villes du bled), Hadafo médias (Espace FM et TV, Sweet FM) et Groupe fréquence médias (FIM FM). Ils leur ont retiré leurs agréments et fréquences. Un bond en arrière, pour la liberté de la presse et d’expression en Guinée. L’arrêté de retrait est signé du ministre de l’Info, N’Ta Fana Soumah ; le retrait des « Autorisations VSAT » et des fréquences (99.7, 99.1, 93.1 et 95.3) par l’autre Mamadi Doum-bouillant qui trône sur l’ARPT. Les Prési des Associations de médias se sont transportés, colonne par un, chez nos con(.)frères victimes de la caustique morsure de retrait. Un vrai marathon qu’on vous narre.
Règlement à l’amiable ou justice
A Djoma médias, le dirlo de l’Info, Aboubacar Con(.)dé et collègues fortement mobilisés, ont accueilli la délégation. « Une décision inacceptable », s’indigne l’un des visiteurs. Aboubacar Cas-marrant, Prési de l’Union des radiodiffusions et télévisions libres de Guinée, Urtelgui d’ajouter : « Depuis six mois, nous étions dans les approches de solution. Nous pensions qu’à la mise en place de l’Observatoire d’autorégulation, on allait connaître une certaine avancée notamment dans le dossier des brouillages et du retrait par la Haute autorité de la Communication, HAC, de certaines chaînes dont Djoma TV, des bouquets de distribution d’images. » Il leur a exprimé « la solidarité de l’ensemble de la corporation » et leur a promis de ne pas les abandonner à leur sort. « Nous osons croire que ce qui vient de se passer est un malentendu » qui serait rectifié « dans les heures à venir ». Amen ! Il promet d’user de toutes ses forces pour éviter que la situation perdure ou fasse jurisprudence. Aboubacar s’engage à mener des démarches pour s’enquérir du « bien-fondé de la décision ».
En attendant, il recommande la sérénité et l’abstinence de toute « communication allant dans le sens d’exacerber la tension », surtout sur les réseaux. Tous ont acquiescé. Aboubacar Cas-marrant juge vague l’expression « violation des cahiers de charges. » Il a invité les victimes à constituer des avocats, pour saisir « illico presto la Cour suprême, en vue d’attaquer la décision du ministre Fana Soumah qui n’a suivi aucune procédure en la matière ».
Au Groupe fréquence médias (Fim FM), le dirlo, Aboubacar Diallo, visiblement affecté, témoigne que les visiteurs impénitents de l’ARPT, flanqués d’un huissier, se sont contentés de lui lire l’arrêté ministériel, sans lui en donner copie.
A 14h, la délégation des Associations de médias débarque chez Hadafo qui a vu les émetteurs de ses médias démantelés sur son site technique de Koloma. Mohamed Mara, un des chroniqueurs de l’émission « Les Grandes Gueules », est dans tous ses états : « Nous n’avons été saisi d’aucun courrier préalable nous disant ce qu’on nous reproche. Ils sont allés d’abord défoncer la porte, démanteler le matériel avant de nous déposer le courrier il n’y a pas 30 minutes. C’est totalement illégal. Ils ne peuvent pas enlever comme cela un matériel homologué, pour lequel nous payons des redevances (…) L’ARPT n’est pas concernée, c’est entre le gouvernement et le Groupe Hadafo médias…»
Sale temps pour le Bangoureur
Constat : l’arrêté date du 21 mai, le courrier de transmission du lendemain. Des langues fourchues en concluent à une pression exercée sur N’Ta Fana Soumah. Même si ce dernier aurait martelé à un visiteur qu’il assumait sa décision liberticide. Pouvait-il en être autrement ?
Le dirlo technique d’Hadafo médias, IB Sory Bangoura, alors en réunion avec sa direction, reçoit un appel des vigiles de leur site à Koloma. Ces derniers viennent de recevoir une visite musclée d’émissaires de l’ARPT. Les visiteurs impénitents ont arraché les émetteurs d’Espace FM et de Sweet FM. Le Bangoureur débarque sur les lieux et exige des explications. Il est trimballé jusqu’au 9è étage du siège de l’ARPT, non loin de là. Motif, l’huissier aurait perdu un « papier » dans le site technique de Hadafo. Le dirlo technique est libéré des minutes après, sur ordre du conseillé juridique de l’ARPT et après que la nouvelle de son interpellation a fait le tour des réseaux sociaux, selon Ib Sory Bangoura.
Un tour chez Fana et Bouba
Vers 16h, la délégation des Associations de médias atterrit à Boulbinet, chez le ministre de l’Info et de la Com. N’Ta Fana Soumah reçoit, à huis-clos, Aboubacar Cas-marrant. L’hôte réitère sa décision. A 17h passées, les missionnaires continuent à la Haute autorité des cancans, où les attendait Bouba Yacine Diallo. Le Prési de l’institution de régulation des médias se réjouit de la création de l’OGAP et promet de peser de tout son poids pour trouver une issue heureuse à la crise. Amen !
Très impliqué au départ, Amadeus Oury Bah-t-il en retraite ? Aboubacar Cas-marrant croit que le locataire du Palais de la Colombe n’a pas été associé à la prise de la décision controversée. Il envisage de le rencontrer, avec les responsables de toutes les Associations de médias, pour lui faire le poing de la situation. Il s’étonne, qu’après satisfaction de la demande de création d’un Observatoire d’autorégulation de la presse, le goubernement reprenne agréments et fréquences. Un passage en force qui risque de braquer les médias contre les CNRdérives. Trop, c’est troc !
Une logique de persécution
Le 22 mai, les responsables des Groupes de médias contraints au silence se sont fendus d’un communiqué conjoint. Ils s’accordent à saisir la justice à l’effet de « contester et d’obtenir l’annulation de cette mesure administrative ». Ils démentent le prétendu « non-respect des cahiers de charges » argué par N’Ta Fana pour sévir contre eux. Les confrères jurent, la main sur le palpitant, que la décision « n’est rien d’autre que la suite logique des persécutions » dont ils font l’objet depuis novembre 2023. Ils dénoncent des « comportements liberticides », alertent l’opinion nationale et internationale, les défenseurs des droits humains sur « les conséquences dramatiques » de la décision. Les acteurs politiques et de la société civile n’ont pas tardé à houspiller les CNRdérives.
Etrange réaction du goubernement
Alors que les critiques fusent de toute part contre le retrait d’agréments et de fréquences à trois groupes de médias, le goubernement clame que « cette mesure ne constitue en aucun cas une entrave à la liberté de la presse en République de Guinée. » Le communiqué en date du 24 mai est signé du porte-voix, Ousmane Gawa Diallo, ministre des Transports. Selon le doc, le « gouvernement travaille à restaurer l’ordre constitutionnel, et non à établir une ‘’démocratie médiatique.’’ » Allez savoir ! Les autorités reconnaissent que la contribution des médias à l’apaisement et à unité nationale est cruciale » en cette « période de transition et de fragilité sociale et politique. » Mais pour le goubernement, « certains médias manquent à leurs responsabilités, en enfreignant des lois sur la liberté de la presse, la Haute autorité de la communication et le Code de bonne conduite des journalistes ». L’article 6 du Cahier des charges portant sur l’obligation de respect de la dignité de la personne humaine et les exigences de l’unité nationale et de l’ordre public serait violé par les radios et les télés contraintes au silence. Woïka !
Mamadou Siré Diallo