En Guinée comme ailleurs sur le continent noir, les opposants dits radicaux sont adulés voire adorés. Beaucoup d’entre eux sont perçus comme des hommes providentiels censés débarrasser leurs pays des maux qui les minent. Beaucoup de Guinéens estiment que si Alpha Grimpeur trouvait la mort à l’hôtel 5 étoiles de Coronthie, sa tombe aurait fait l’objet de vénération. L’homme incarnait l’espoir et la probité morale dans un pays où le chef confondait la caisse commune et sa poche.

L’opposant qu’il fut était considéré comme le monsieur mains propres d’une classe politique corrompue. Ses partisans avaient utilisé cet avantage contre son principal rival en 2010. Après dix ans de règne, celui qui se vantait de n’être impliqué dans aucun dossier de vol ou de détournement de derniers publics ne pouvait plus tenir le même discours. Sont passés par là, le fameux budget de souveraineté et les sorties d’argent douteuses. En somme, ses dix ans de gouvernance furent marqués par tous les maux que l’opposant qu’il fut dénoncé véhémentement.

Si bien qu’aujourd’hui entre le pro-fossoyeur et ses prédécesseurs c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Pour dire que mourir en héros, il faut être opposant à vie. Jean Marie Doré incarnait lui aussi l’image de l’homme de vertu, il goûtera à la soupe au cours de sa courte gestion du pays avec le général Sékouba Konaté. Si le pouvoir vous met à l’abri du besoin, il vous ôte la popularité et même parfois la dignité. Si, aujourd’hui, certains Guinéens confessent regretter Alpha Condé, c’est que la déception de la gestion chaotique de son successeur est à la dimension de l’espoir que son avènement avait suscité.

Le vieux routier politique, notre nouveau Premier ministre, Amadeus on-rit-bas, sait qu’il ne fera pas exception à la règle. En acceptant ce que beaucoup d’observateurs estiment être un cadeau empoisonné- le poste de Premier ministre-, il a pris un risque : signer sa mort politique. A moins qu’il ne prenne un autre risque comme celui qu’avait pris Mohamed Béavogui. Peu probable au regard de son discours. Notamment pour le cas des médias fermés. Donné pour démissionnaire, il s’est montré plus royaliste que le roi en justifiant l’injustifiable dans le dossier de ces médias.

Si sa prise de position, pour le moins inattendue, a mis Bah Oury sur la sellette, l’annonce d’un secret de Polichinelle faite par le Premier ministre lui a assené le coup de grâce. Même le dernier citoyen du dernier village du bled sait que le retour à l’ordre constitutionnel est voué aux calendes grecques. Le Premier ministre a pris la responsabilité ou même le risque périlleux- d’en faire annonce à la place du CNRD qui tire toutes les ficelles. Le désormais homme le plus impopulaire du pays n’est qu’un fusible du CNRD. Le positif sera à l’actif de Mamadi Doum-bouillant. Les dérives seront mises au compte d’un Premier ministre qui est Mamadi Doum-bouillant ce que Choguel Maïga est à Assimi Goïta.

Le CNRD fera du successeur de Bernard Goumou ce que le consommateur fait de l’orange dont il a vidé le jus. Dans le meilleur des cas, le CNRD, ayant obtenu la prolongation de la transition jusqu’au 31 février se débarrassera de son fusible. Dans l’intervalle, ce dernier aura accumulé des mesures impopulaires et des dérives autoritaires, et des victimes consécutives aux manifestations pour l’hypothétique respect du chronogramme. Au pire, le CNRD fera porter le chapeau à son fusible.

C’est pourquoi, on n’a pas besoin d’être dans les secrets du Ciel pour savoir que Bah Oury doit avoir de l’empathie pour ses prédécesseurs. Visiblement, Mamadi Doumbouya l’a employé pour faire le « sale boulot ». Le nouveau général ne va pas prendre la parole pour dire tout le contraire de ce qu’il avait promis. Il veut qu’un autre le fasse. Il voudra que son Premier ministre, fin politique, pas sa langue dans la poche, tente de convaincre la classe politique et les partenaires extérieurs de l’impossibilité d’extraire le treillis du palais pour faire entrer le costume et la cravate avant la fin de cette année.

Le monsieur a accepté de jouer le jeu à ses risques et périls. Il prend un coup avant même le coup d’envoi des hostilités. L’homme est devenu plus impopulaire que celui qui a exfiltré le prési-Grimpeur de Sékoutoureya le 5 septembre 2021. Ses amis et alliés se prennent à tirer à boulets rouges sur lui. A commencer par Lansana Kouraté qui ne reconnait plus son ami. Même si ce dernier pourrait lui rétorquer que lui aussi était méconnaissable après son imposition par la rue à son homonyme en février 2007. Finalement, le pouvoir métamorphose l’homme. Le moins que l’on puisse dire c’est que Bah Oury commence à connaître le martyre que ses prédécesseurs ont connu. Et à commencer par un certain Cellou Dalein Diallo.

Habib Yembering Diallo