Si la Loi L/2024/002/CNT portant réglementation de la publicité en République de Guinée a été adoptée en janvier 2024 par le Conseil National de la Transition et promulguée par le Président de la transition le 17 avril dernier, les autorités peinent toujours à remettre de l’ordre dans le secteur.
Au rond-point de Cosa, quartier populaire de la banlieue de Conakry, les deux voies de la route Leprince sont bordées d’immeubles à étages, de boutiques. Mais, certaines façades ont leurs murs quasi-complètement cachés par des affiches publicitaires. De petites plaques qui renseignent sur une boutique, une clinique… aux panneaux géants sur lesquels on peut par exemple lire le nom d’une agence de voyage, de produits ou services… Des espaces proposés par les concessionnaires. Ce constat fait à Cosa est presque le même partout à travers la ville de Conakry. À la Cité Enco 5, même le terre-plein n’est pas épargné par l’installation que les spécialistes appellent « anarchique » des panneaux publicitaires.
Des panneaux qui gênent la circulation
« Ces panneaux sont installés de manière anarchique, obstruant le passage à certains endroits. Parfois, ils masquent même la vue des automobilistes qui doivent tourner dans un sens ou dans un autre. Ce sont des panneaux qui sont faits de façon très artisanale, par des non professionnels. On voit des panneaux même manuscrits, avec une peinture qui déborde. C’est parfois du n’importe quoi », s’insurge le Dr Sékouna Keita, enseignant et responsable du master Communication politique et publique à l’Institut Supérieur de l’information et de la Communication (ISIC) de Kountia.
Une position confortée par la nouvelle Loi L/2024/002/CNT du 12 janvier 2024 relative à la réglementation de la publicité en Guinée. Elle autorise la publicité sur les panneaux, murs, véhicules, kiosques et autres. Toutefois, cela doit se faire « dans des endroits préalablement identifiés et réservés à cet effet, sur autorisation préalable de l’organisme de régulation », encadre l’article 9 du texte. L’article 13 ajoute non seulement que les panneaux doivent être confectionnés par des professionnels, mais surtout qu’ils « ne doivent en aucun cas gêner la circulation routière, ferroviaire, maritime, aérienne ou masquer tout panneau de signalisation. »
Selon le Dr Sékouna Keita, les services compétents doivent veiller à ce « que l’implantation des panneaux publicitaires, quelle que soit leur taille ou format, réponde aux normes de sécurité et d’esthétique publique. Outre l’anarchie, il y a des panneaux qui contreviennent à l’image de notre capitale. »
L’OGP, impuissant ?
L’Office guinéen de publicité (OGP) s’était saisi de la question. Sur instruction du président de la transition, Mamadi Doumbouya, le 21 décembre 2021, il avait lancé une opération « de démantèlement des panneaux publicitaires anarchiquement installés sur le long des routes. » Apparemment, sans grand succès. Le 9 janvier 2023, le Directeur général de l’OGP, Mandian Sidibé, a tenu une réunion avec les responsables des régies publicitaires en vue « de lutter contre la prolifération des panneaux publicitaires et l’anarchie qui y règne en Guinée ».
Contactés pour évoquer ces opérations feu de paille, les responsables de l’OGP n’ont pas souhaité s’exprimer.
Le 17 avril 2024, la Loi portant réglementation de la publicité en Guinée adoptée a été promulguée. Elle définit « les règles régissant la profession de publicitaire et fixe le régime des interdictions, des infractions et de répression en matière publicitaire en République de Guinée. »
Le Dr Sékouna Keita suggère, pour remettre de l’ordre dans le secteur de la publicité, d’impliquer « surtout les communes et quartiers. Les panneaux sont installés sur des territoires qui sont gérés par des entités. Il faut que les responsables de ces démembrements de l’État soient impliqués dans la gestion des panneaux publicitaires à Conakry. »
Proposition non prise en compte dans la nouvelle Loi, l’Office guinéen de publicité demeurant le régisseur exclusif de la publicité en Guinée.
Diarouga Aziz BALDE