PDG de 7Applications et formateur en sérigraphie, Alpha Oumar Diallo déjoue la perception de la société sur les personnes infirmes. M. Diallo poursuit son rêve depuis 2017 avec sa propre entreprise dont l’investissement est évalué à près d’un milliard de GNF.

Au téléphone, il nous indique le siège de son entreprise d’une voix grave, rauque, radiophonique on ne peut plus : prenez la direction du grand rond-point de Matoto juste devant le marché, vous y êtes au bout de 500 mètres environ de l’autoroute Fidel Castro.

Se retrouver ne fait pas un pli, tout le quartier le connait, demander après lui vous y conduit sans frais. Dix minutes de marche, et nous voilà accueillis par Alpha Oumar au rez-de-chaussée d’un immeuble en chantier. Le familier des médias nous offre une visite guidée. Le site en pleine expansion, machines de sérigraphie, imprimerie, architecture et home design.

Dans un appartement de quatre pièces et salon transformé en siège, il nous présente ses outils de travail : « Ici, le tunnel à séchage pour la sérigraphie. Là, l’impression à plat. Là, la sérigraphie circulaire qui s’occupe de tout ce qui est rond. Ce dernier est le Pad Pinter qui s’occupe des gazettes. Ces deux grandes machines sont des carrousels servant à l’impression des t-shirts. » Et d’ajouter avec un sourire : « Toutes ces machines m’ont coûté dans les bandes d’un milliard GNF. Tant que l’argent ne sort pas, je ne dors pas. »

« Soit ce que tu veux être »

« Il sait tout manipuler, même si c’est une personne à mobilité réduite », dit le directeur technique de 7Applications de son maitre et collaborateur. Abdoulaye Diallo apprend auprès d’Alpha Oumar Diallo depuis 2010, avant de s’embarquer avec son maitre dans ce projet immense. Il témoigne de l’esprit combatif de son maitre, qui ne s’est jamais senti différent des autres. « Je faisais tout ce que mes amis font. Donc, je n’aime pas que l’on ait pitié de moi. L’infirmité n’est pas une excuse, encore moins une malédiction », tranche Alpha Oumar Diallo. 

Bien au contraire, le handicap est le catalyseur de sa réussite, affirme son ami d’enfance, Mady Bangoura, journaliste à Guineenews: « C’est un jeune au destin atypique. Trainant par-devers lui une déficience motrice depuis sa tendre enfance, il ne s’avoue pas handicapé ou infirme. Il clame devant qui veut l’entendre que le handicap est dans le mental de celui qui s’en plaint. »

Alpha Oumar Diallo n’est pas né infirme : « Je me tenais droit debout comme mes amis d’enfance. C’est à l’âge de 5 à 6 ans qu’une maladie m’a mis dans cet état », se souvient-il vaguement. Sa famille va l’envoyer faire la manche comme les gens de sa situation. Son feu frère, qui l’a beaucoup propulsé, s’y est opposé. C’est d’ailleurs pourquoi il dit comprendre la situation des autres personnes à mobilité réduite : « Vous savez, c’est la société qui fait l’homme ». Alpha Oumar Diallo a créé l’ONG School Handicap pour accompagner les personnes à mobilité réduite : « C’est ma manière de remercier les personnes qui m’ont accompagné et d’accompagner les autres. » Son slogan : « Soit ce que tu veux être. »

D’autodidacte à modèle de réussite

PDG d’entreprise, formateur dans son entreprise et ailleurs comme à l’Institut supérieur des Arts Mory Kanté, Alpha Oumar Diallo n’a pas poussé les études au-delà de la 7ᵉ année : « Autodidacte, il ne s’est pas limité que là. Déjà à l’école primaire de Matoto que nous avons tous fréquentée, il était sollicité pour les croquis lorsqu’on avait Sciences d’observation, mais aussi pour dessiner les cartes en Géographie », se souvient Mady Bangoura.

Les formations spécifiques avec le PNUD et celle financée par la Russe lui serviront de tremplin. À partir de 1996, il opère auprès d’autres entreprises comme Beky point, Visio, Guinée Image, GM Guicopress. Autant de passages dont il aurait tiré profit : « Industrialiser mon projet à l’échelle internationale, vu que je n’avais pas les moyens. Ce que je pouvais avoir en collaboration avec eux, je réinvestissais dans mon projet. » En 2017, il crée 7Applications, à l’origine Art à chameaux : « Je faisais de l’art plastique, du graffiti, des dessins, des tableaux et j’exposais avec beaucoup d’artistes guinéens. »

Ses expositions le passionnaient, mais leur rentabilité faisait défaut dans un pays où l’art est le cadet des soucis des populations : « Les tableaux ne s’achetaient pas. Automatiquement, je me suis dit d’aller vers le numérique, parce que j’ai vu très loin. Je me suis dit que le numérique va dominer. » Il allie travail et formation en ligne. « Je n’ai pas eu la chance de pousser mes études. Mais, artiste, je sais que je pourrai maitriser les outils d’art informatique. »

Travailleur acharné, le PDG de 7Applications a su se forger un destin. Tendre époux et père attentionné, « Alpha Oumar (Shaq) est un génie dans ce qu’il sait bien faire », témoigne Mady Bangoura. Alpha Oumar se veut le modèle de réussite pour ses semblables.

Diarouga Aziz Balde