Les avocats de l’ancien Président Moussa Dadis Camara continuent de plaider dans le procès du massacre du 28 septembre 2009 au tribunal délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. Dans une longue plaidoirie, Maître Pépé Antoine Lama affirme que l’ancien Président est victime de l’acharnement du parquet à vouloir coûte que coûte lui porter la responsabilité du massacre.

Selon Me Pépé Lama, le parquet a voulu faire croire à l’opinion que « le président Moussa Dadis Camara doit être retenu dans les liens de la culpabilité, parce qu’il était à l’époque des faits le Président de la République, chef suprême des armées et président du CNDD ». Et on a fait croire à l’opinion que c’est le CNDD et son président qui ont tenu des réunions pour planifier la répression de la manifestation tenue le 28 septembre 2009, dit l’avocat. « Nous avons apporté, à travers des arguments valables, la preuve que ces affirmations ne doivent pas être accueillies par le tribunal. Nous avons démontré le manque de sérieux qu’il y a dans cette démarche. Vous ne pouvez pas vous en prendre au capitaine sous l’angle de la responsabilité de commandement de supérieur hiérarchique et chef militaire et ne pas engager ou élargir la poursuite à ceux qui, à l’époque des faits, assumaient des hautes fonctions militaires, qui étaient dans les sphères de l’Etat, prenaient de grandes décisions sur l’orientation de la politique publique. C’est pourquoi, nous avons dénoncé la discrimination, le manque de sérieux, la sélection malsaine, la volonté du parquet de raser dans un seul camp et l’acharnement du parquet contre le capitaine Moussa Dadis Camara. Nous avons même pointé un doigt accusateur sur des mobiles politiques qui pourraient être à la base de ce type de comportement. Nous avons prouvé, devant ce tribunal, que tout ce que les parties civiles ont dit,  tout ce que le parquet a demandé, ne peut pas passer contre le capitaine Moussa Dadis Camara. Nous allons continuer à plaider son acquittement et nous osons espérer que ce tribunal sera un tribunal habilité par le droit qui sera dans les valeurs de la justice,  qui ne va pas se laisser instrumentaliser, qui va dire : ‘’Non au ministère public, aux parties civiles en prononçant l’acquittement pure et simple du capitaine Moussa Dadis Camara’’, pour qu’en fin qu’il retrouve la réparation de son intégrité, de sa considération qui ont été souillées pendant plus d’une décennie d’accusation gratuite et fortuite », explique l’avocat. 

De la non poursuite du général Sékouba Konaté !

Depuis le début du procès, Maître Pépé Antoine Lama dénonce la non-poursuite du général Sékouba Konaté, ministre de la Défense au moment du massacre du 28 septembre 2009, qui selon lui, était l’un des maillons forts du régime. Il estime que celui-ci a été privilégié pour des motifs politiques. « Le général Sékouba Konaté était à l’époque des faits, le numéro 3 du CNDD, ministre de la Défense. C’est lui qui coordonnait les forces de défense et de sécurité. Contre le général Sékouba Konaté, il y a eu une plainte qui a été solutionnée par une ordonnance de refus d’informer. Il y a des commissions rogatoires qui ont été émises auprès des autorités françaises en vue de l’audition du général Sékouba Konaté qui n’ont pas porté fruits. Pourquoi cette discrimination ? Pourquoi raser dans un seul camp ? Pourquoi cet acharnement contre le capitaine Moussa Dadis Camara ? Qu’à t’il fait pour mériter tout cela ? ». 

De l’irrecevabilité des parties civiles morales

L’avocat a soulevé l’irrecevabilité de certaines parties civiles morales dans cette affaire. Notamment la FIDH, l’OGDH et l’AVIPA qui, selon lui, en plus de n’avoir pas produit leur statut n’ont pu prouver avoir eu l’accord des victimes pour se constituer. « C’est pourquoi, nous vous demandons, monsieur le président, de bien vouloir les déclarer irrecevables en leur constitution de parties civiles. »

« Il est incongrue de réclamer la requalification des faits »

Pour Maître Pépé Antoine Lama, il est incongru de réclamer une requalification que le parquet avait renoncé et revenir là-dessus. Il estime que cette démarche n’est pas juridique. C’est un aveu d’impuissance, c’est une capitulation, faute de preuves de la part du ministère public. L’avocat déclare qu’aller vers la requalification serait violer le droit à un procès équitable. « Monsieur le président, la question de requalification est une question de droit, ce n’est pas une question de fait. Parlant des juristes prudences citées par le ministère public vous dire que cette demande est tout sauf une demande juridique et d’ailleurs, je me permets de dire que cette démarche traduit la carence du ministère public de rapporter la preuve des faits reprochés au capitaine Moussa Dadis Camara. »

De l’ingérence du procureur de  la CPI

Le procureur de la CPI (Cour Pénale Internationale) a dépêché son adjoint lorsque le procès avait été arrêté au mois de mars dernier pour cause de recours des avocats de la défense à la Cour d’Appel quand le tribunal a décidé de mettre au fond la question de requalification. Me Pépé Antoine Lama soupçonne l’ingérence du procureur de la CPI. « Le procureur de la CPI a tendance à se comporter comme quelqu’un qui dicte sa loi à la justice guinéenne et qui cite des personnes à inculper, qui décide des infractions à poursuivre. La Guinée est un Etat souverain, nous avons des institutions judiciaires qui exercent leur souveraineté judiciaire. Il ne revient pas à une autorité étrangère d’imposer son dictat, sa loi aux cours et tribunaux du pays ».  L’audience se poursuit demain, mercredi 12 juin, avec la plaidoirie de la défense de capitaine Moussa Dadis Camara.

Mamadou Adama Diallo