Le procès du massacre du 28 septembre 2009 se poursuit au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry, avec les plaidoiries des avocats du capitaine Moussa Dadis Camara. Mercredi 12 juin, Me Jean-Baptiste Jocamey Haba, l’avocat qui a suivi le dossier depuis le lendemain du massacre et fin connaisseur du président de la Transition de 2009, affirme que capitaine Dadis est une victime du 28 septembre.

Me Jocamey Haba a consacré sa plaidoirie à laver et défendre l’honneur d’un « homme d’Etat ». Dans sa longue et méthodique plaidoirie, l’avocat a expliqué les souffrances, les péripéties et les bienfaits du capitaine El Dadis, non seulement pendant qu’il était au pouvoir, mais aussi après. Avant son accession au pouvoir, à l’exercice du pouvoir, au massacre du 28 septembre jusqu’à la tentative d’assassinat contre lui, son exil à la tenue du procès, Me Jocamey a parlé d’un homme atypique. «C’est un homme Républicain qui a toujours réclamé justice, qui s’est mis à la disposition des autorités judiciaires, pour que la vérité jaillisse dans cette affaire du massacre du 28 septembre 2009 ».  

El Dadis écarté du pouvoir

Pour Maître Jocamey, l’ancien prési est un homme qu’il fallait vaille que vaille écarter du pouvoir, par tous les moyens, y compris son empoisonnement, son élimination physique.  Parlant de la tentative d’assassinat contre El Dadis le 3 décembre 2009, l’avocat affirme que ce n’était qu’un coup qui a réussi. Selon cet avocat, le voyage du capitaine Moussa Dadis en Libye qui avait été avorté était un coup raté. « On a compris qu’il allait en Libye, le président Kadhafi lui donnerait peut-être de l’argent, comme il l’a fait au gouvernement Lansana Kouyaté. On a eu peur, on a dit que si on le laissait partir, ce n’était pas bien et que c’était terminé pour eux. C’est pourquoi, ils avaient décidé de saboter l’avion. On voudrait qu’il parte seul, pour qu’il ne revienne plus. Ayant compris la manœuvre, il a dit qu’on parte ensemble ». Il pense que Sâa Alphonse Touré qui était le « petit sûr » du général Sékouba Konaté alias El Tigre et Aïdor Bah étaient soupçonnés de faire un coup contre El Dadis. Mais en réalité, ils ont été arrêtés pour l’affaiblir. Maître Jocamey Haba affirme que par le biais de Bernard Kouchner, ministre français des Affaires étrangères à l’époque, la communauté internationale a participé à écarter le capitaine El Dadis du pouvoir. Que celui-ci se serait rendu au Maroc, pour être sûr que Dadis Camara a quitté le pouvoir. C’est pourquoi, l’avion qui devait le transporter en Guinée a été détourné pour le Burkina Faso, où El Dadis aurait été « gardé en exil forcé pendant 12 ans ». Selon l’avocat, les anciens dignitaires déchus qui avaient vu leurs privilèges rompus, les politiciens à la quête et à la conquête du pouvoir, les compagnons jaloux et frustrés, ont participé « à écarter Moussa Dadis Camara du pouvoir ». Ce serait ces personnes qu’il qualifie de « moralement malsaines et intellectuellement constipés qui ont voulu le massacre du 28 septembre 2009 ». « Voilà pourquoi, lui (Dadis), il n’est qu’une victime de ce 28 septembre. Le crime n’étant pas parfait, l’exemple le plus éloquent était bien celui qui était président du comité d’organisation de ce meeting qui est partie civile dans ce procès et qui est aujourd’hui Premier ministre. Celui-là qui a mobilisé 50 mille personnes pour un stade qui ne peut en contenir 20 mille, 25 mille. Celui-là qui était contre une transition de deux ans, qui a créé toute la merde dans les 10 mois de transition. Cette partie civile, parce qu’elle a changé de fusils d’épaule, est en train de faire campagne partout dans le monde pour que la transition de 3 ans et 4 mois soit encore prorogé. Quel contraste ? »

L’avocat de la défense accuse aussi l’ancien prési Alpha Condé « d’avoir manigancé », puisque c’est lui qui aurait choisi la date du 28 septembre, avant s’éclipser, pour ensuite vouloir porter la responsabilité du massacre au capitaine El Dadis. « Le crime a profité à Alpha Condé et au général Sékouba Konaté. Puisqu’il est y avait un deal de 12 millions de dollars, pour que Sékouba Konaté passe le pouvoir à Alpha Condé. Comme il n’a pas respecté la promesse, on a tous entendu Sékouba Konaté dire que c’est ‘’un faux élu’’. Donc, c’est à ceux que le crime a profité, qui sont responsables du massacre. » 

De la tentative d’évasion du 4 novembre 2023

Maitre Jean-Baptiste Jocamey Haba est revenu sur cette affaire rocambolesque de tentative d’évasion de la maison centrale. Selon lui, un commando a pris d’assaut la maison centrale pour enlever El Dadis. « Quand sur les réseaux sociaux j’ai appris, j’ai appelé le procureur de la République avec qui j’ai discuté. J’ai appelé le procureur général avec qui j’ai discuté. J’ai appelé le Garde des Sceaux qui m’a dit qu’il n’était pas en Guinée. J’ai appelé le Bâtonnier de l’ordre des avocats. Parce que dans mes discussions, j’ai été très clair : le président Moussa Dadis Camara ne peut pas s’évader. De toutes les façons si aujourd’hui à la maison centrale, il y a tout un camp et même des camps qui l’entourent, c’est bien parce qu’il est là-bas. Si aujourd’hui à la maison centrale, même pour les avocats, il est difficile d’entrer, c’est bien parce qu’il est là-bas. Parce qu’on n’a pas pu assurer sa sécurité que des personnes sont venues l’enlever ».

L’avocat a déclaré que le capitaine Moussa Dadis Camara, le colonel Moussa Tiegboro Camara, le colonel Blaise Goumou, le colonel Claude Pivi partageaient la même cellule. « Si en pleine nuit, un commando vient armé, avez-vous le temps de discuter ? Mais pourquoi lui son enlèvement était nécessaire ? Parce que c’est un ancien chef d’Etat et chacun sait que toute l’attention allait se concentrer sur lui. Je sais, parce que c’est moi qui étais au milieu de 10 pick-up de gendarmes avec un gilet pare-balles. Parce que les autorités judiciaires qui avaient informé le haut commandement, le Haut Commandant m’avait appelé et nous avons indiqué un lieu où nous rencontrer. (…) Dans sa désillusion, le seul recours, c’est qui dans cette situation où il était déboussolé ? C’est l’avocat. C’est moi, c’est encore moi qui ai tout fait avec ces 10 pick-up pour savoir où il était. C’est moi avec lui et le colonel Blaise à bord du véhicule. Il a appelé le procureur, il a continué à communiquer avec le procureur. C’est moi qui ai communiqué avec toutes les autorités judiciaires à toutes les étapes jusqu’à la maison centrale et ce jour, j’ai quitté la maison centrale seulement à 21h. Puisqu’il n’y avait pas de passage (…) C’est à partir de là qu’on m’a déposé. Parce que je suis sorti sans véhicule. Cet homme a encore été humilié à la maison centrale. On continue de l’humilier ».

Maître Jocamey a révélé que la vidéo qui a été prise à la maison centrale avait été censurée. Parce que devant le procureur de Kaloum, devant la Présidence, les envoyés de la Présidence, il avait dit qu’on ne pouvait pas avoir les images, Moussa Dadis, il a droit à l’intimité de sa vie privée, droit à son image. Mais le procureur de Kaloum lui a dit Maître, les gens là sont venus pour ça, ils ne pouvaient pas les empêcher. Même que pendant qu’il était dans ce traumatisme absolu, on a encore décidé de l’entendre. « On ne peut pas humilier un tel homme. Nous, nous restituons la vérité telle quelle. Non pas telle qu’on voudrait qu’elle soit, parce que nous avons été là. C’est clair… »

L’audience reprendra la semaine prochaine.

Ibn Adama