La diversité ethnique, culturelle et linguistique est souvent présentée comme un atout en Guinée. D’autres y voient plutôt l’obstacle à une république une et indivisible. La dernière fête de Tabaski a mis à nu notre sectarisme. Pour certains, c’est l’occasion des manifestations artistiques ou culturelles. Chez d’autres, c’est la ruée vers leurs villes et villages. A l’exception de la Guinée-Forestière, où il y a une forte présence d’autres confessions religieuses, les trois autres régions ont organisé, chacune à sa manière, sa fête.

La Moyenne-Guinée a drainé du monde. L’événement a largement dépassé la dimension religieuse. Il a été économique, social et culturel. Nourrir, loger et déplacer tout ce beau monde doit avoir forcément un impact économique. Et les vendeurs se sont frotté les mains. Mais au-delà de la trilogie économie, sociale et culturelle, il y a un autre secteur qui a connu un véritable engouement : le tourisme. Partout, les citadins ont organisé des excursions touristiques. La dame de Mali, les chutes de Ditinn, celles de la Saala, beaucoup d’autres lieux moins connus ont été littéralement envahis.

Malgré tout, ce que le Fouta a fait est une goutte d’eau dans l’océan. La Haute-Guinée et la Basse-Guinée se sont livrés à une rude concurrence. Même si c’est la grande Mamaya de Kankan qui a été fortement médiatisée en raison, surtout, du déplacement  du général de corps d’armée Mamadi Doum-bouillant ou encore la présence très controversée du prési de la Coordination Fulbhe et Haali-pular, Kindia et Forécariah auront innové.

La grande Mamaya de Kankan, qui était à sa 84ème édition, a désormais des concurrents très sérieux. Les 72 heures de Khania Soli et Le Mariyah Donkin Sali, organisés respectivement à Kindia et Forécariah, affichent désormais ouvertement leur intention voire leur obsession : devenir des manifestations à la dimension de la grande Mamaya de Kankan. Ce grand événement artistique et culturel qui se veut symbole et institution, reste tout sectaire. Et ce en dépit de la volonté des organisateurs d’associer d’autres régions. En 2023, la Guinée-Forestière était l’invitée d’honneur. Avec son textile Forêt sacré. Cette année ç’aura été un cadeau empoisonné pour le président de la Coordination Fulbhe et Haali-pular. El Hadj Alsény Barry était entre le marteau de certains des « siens » et l’enclume des organisateurs, voire du gouvernement. De deux maux, il a choisi le moindre, celui d’affronter les grognons du Fouta-qui l’accusent, pour certains, d’avoir privilégié ses intérêts économiques et pour d’autres, de soutien politique à la transition – que d’être perçu par les autres comme un homme sectaire et influençable. Ses partisans le défendent, soutenant qu’il n’est pas le Khalife général du Fouta.  

Dans un pays où l’on confond souvent imitation et innovation, la grande Mamaya de Kankan a donné des idées. D’autres préfectures s’en inspirent. A l’occasion de la fête de Tabaski, Kindia a organisé un événement similaire : les 72 heures de Khania-Soli déroulées à la place des Martyrs où, pendant trois jours, résidents et ressortissants du Khania se sont retrouvés pour chanter et danser. L’engouement a incité les participants à solliciter la prolongation de sa durée : de trois jours cette année à sept l’année prochaine. Les nostalgiques de la révolution seront bien servis.

Forécariah a organisé sa Mamaya à sa façon. Cette fois, l’événement est intitulé Moriah Donkin Sali. Comme à Kankan et Kindia, l’on s’est retrouvé pour chanter et danser. Cette année, ce fut une compétition entre les 12 sous-préfectures de Forécariah. Comme à Kindia, les participants réclament la pérennisation de Moriah Donkin Sali. Même si l’événement fait allusion à la prière de l’Aïd el-Kébir où, paradoxalement, on chante et danse le Yankadi. Un bémol : un sacrifice et la lecture du saint Coran font partie du rituel.

Ces manifestations tout aussi sectaires et parcellaires font tache d’huile. Si chacun est libre d’organiser sa fête comme il veut et où il le veut, dans un pays qui peine à faire nation, il est salubre de réfléchir à une organisation qui rassemble au-delà de ressortissants et résidents d’une ville ou préfecture, les Guinéens de toutes les ethnies, de toutes les régions et de toutes les religions. Une rencontre de dimension nationale des jeunes des quatre régions naturelles du pays, à l’image des journées mondiales de la jeunesse organisées par l’église catholique. Une rencontre qui aurait pour objectif de réfléchir sur l’épineuse question : comment construire une nation forte et prospère.

Habib Yembering Diallo