Décédé le 22 juin, selon la version officielle, l’ex-chef d’état-major général des armées et numéro deux du CNRD, le général Sadiba Koulibaly, a été inhumé le 28 juin à Magaly-Faraba, son village natal situé dans la sous-préfecture de Dialakoro (Mandiana). Retour sur les derniers instants du chargé d’affaires de la Guinée à Cuba, tombé dans la disgrâce depuis un an, dans cet entretien avec l’un de ses avocats Lancinet Diabaté.
Le Lynx : Qui était Sadiba Koulibaly ?
Me Lancinet Diabaté : Un brillant militaire, formé dans des écoles marocaine et américaine, après son diplôme de médecine obtenu à l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry. Il parlait couramment français, anglais et espagnol. Il a occupé différents postes au sein de l’armée guinéenne. Il est né à Mandiana en 1977 et laisse une veuve et six orphelins.
Comment avez-vous appris le décès de votre client ?
On a été abasourdi d’apprendre la tragique nouvelle, le 25 juin vers 16h. Le procureur général nous a appelé à son bureau, où était déjà le procureur militaire. On était scandalisé d’apprendre la mort de notre client. Mon confrère, Me Mory Doumbouya, leur a répondu qu’il n’était pas le seul avocat constitué par le général Sadiba. Il a demandé à appeler Me Moussa 2 Keita et moi. A notre arrivée, on leur a dit que notre client ne peut pas mourir ainsi : de l’enquête préliminaire à la salle d’audience, il ne nous a jamais dit avoir le moindre mal. Lors des plaidoiries, ceux qui étaient dans la salle l’ont constaté, bien portant, il a dit sa préoccupation : il a demandé à ce que ses six gardes soient épargnés, rappelant qu’ils ont été officiellement détachés pour sécuriser son domicile, les voir en prison lui fait mal. Leur commandant n’a même pas été renvoyé devant la juridiction de jugement.
Officiellement, votre client est décédé le 22 juin. La nouvelle n’a été communiquée que trois jours plus tard. On nous apprend qu’il y a eu des tractations entre les autorités et vous…
Ils ont voulu que la nouvelle provienne de nous. On a dit qu’on ne peut pas la porter à la famille ou sur la place publique, le lieu de sa détention n’étant pas judiciaire.
Racontez-nous les derniers instants avec le général Sadiba Koulibaly
Dès sa condamnation (le 14 juin), on a sur-le-champ relevé appel, en sa présence. Le greffe du tribunal militaire a déchargé. Puis, on nous a dit, comme c’est vendredi, de revenir après la fête de Tabaski. On lui a dit de garder sa sérénité et qu’il rejoindra sa cellule à la Maison centrale et serons-là mardi, pour diligenter cela. Notre client était prêt pour aller à la Maison centrale, même s’il faisait tard. Le parquet lui a dit de patienter, vu que c’est weekend et fête.
D’ordinaire, a-t-on besoin de tout ce protocole pour envoyer quelqu’un qui vient d’être condamné à la prison ?
Dès que la condamnation tombe, la personne est immédiatement conduite en prison. On décerne mandat contre lui, le reste des formalités se fait devant la Maison centrale.
Depuis ce jour, vous avez perdu le contact avec votre client…
Dès notre retour mardi, nous avons trouvé que le dispositif qui était en place n’est plus là. C’est-à-dire au Haut commandement de la gendarmerie nationale, où il était détenu durant l’enquête. On s’est dit que notre client est sûrement déplacé.
D’après vous, où a-t-il été détenu jusqu’à sa mort ?
On ne nous a jamais dit où il était. Ce qui est évident, il n’était pas à la Maison centrale. Mon cabinet, je rappelle, se trouve juste derrière la prison. On s’y est rendu pour vérifier, il n’y était pas.
Quelle est désormais la suite ?
La principale préoccupation de la famille a été levée, elle avait réclamé le corps pour l’inhumer, elle-même dans son village natal, conformément à la volonté du général. Le corps a bougé jeudi de Conakry, pour être enterré vendredi. Après, la famille se concertera et nous dira ce qu’elle veut. L’avocat représente, mais ne remplace pas le client. On agira en conséquence.
Dès le lendemain du dépôt de la demande de restitution du corps, on nous a répondu favorablement. Ce qui constitue un acte d’apaisement. En tant qu’officier supérieur, il devait recevoir les honneurs militaires. Il paraît que tout était prêt, n’eût été le souhait de la famille d’enterrer son fils dans la plus grande intimité.
Interview réalisée par
Diawo Labboyah