À la plénière du Conseil national de la transition (CNT) le 8 juillet, la question brûlante des délestages électriques a occupé les débats. Elle a mis en lumière une crise persistante qui affecte profondément les Guinéens. Malgré les investissements considérables du gouvernement dans le secteur de l’énergie, aucune solution durable n’a encore été trouvée. Une situation fustigée par le CNT.

Au pays du Général Mamadi Doumbouya, c’est la crise de l’énergie. On assiste impuissant au retour à la case départ : la fourniture de l’électricité par rotation, c’est-à-dire le fameux (tour-tour). Le président du CNT, Dansa Kourouma, semble exaspéré face à la situation. « Il est temps de parler franchement et d’agir », a-t-il déclaré, soulignant l’urgence de trouver des solutions viables pour mettre fin à la crise. « Le problème de l’électricité dépasse le ministère de l’Energie, il doit être une préoccupation de tout le gouvernement. Ce n’est plus un problème, c’est une crise, l’énergie doit être prioritaire. »  Pour lui, l’électricité ne devrait pas être un luxe, mais un droit fondamental pour tous les Guinéens, tant à la maison que dans les espaces publics. «Il est impératif que la nouvelle génération vive avec le courant. Si on ne réussit pas ce pari, on ne pourrait pas parler avec honneur devant nos enfants, parce que Dieu nous a choisis pour conduire les destinées de la Guinée, pour le moment. »

« On a trompé la population… »

Dansa Kourouma rappelle qu’en Guinée les problèmes de l’énergie persistent  depuis l’indépendance. Il s’interroge : « Si c’est le bateau la solution, pourquoi ne pas faire venir le bateau ? Il n’y a pas de sujet tabou quand il s’agit d’améliorer les conditions de vie de nos populations, et aucun sacrifice n’est de trop pour cela…» Il soutient que même les pays développés font recours à ces bateaux électriques pour des solutions temporaires. « Si la gestion de l’énergie, surtout les barrages hydroélectriques étaient une réalité, on n’allait pas parler de déficit, ce n’est pas possible. C’est qu’on s’est leurré, on a trompé la population par rapport à cela… Alors toute solution qui peut nous permettre de passer ce cap, quel que soit le coût, il faut la faire. » Selon lui, le développement n’a pas de prix, et la Guinée dispose de projets miniers qui rapportent beaucoup d’argent.

Chaque année, l’Etat guinéen subventionne la société EDG (Electricité de Guinée) d’environ 5 mille milliards de francs guinéens. Au CNT, les tensions ont atteint le summum, concernant la fourniture d’électricité notamment en Basse-Guinée. Le ministre de l’Énergie et des Hydrocarbures, Aboubacar Camara, a d’abord tenté de se défendre, par une métaphore : « Personne ne veut acheter EDG. Ce n’est pas parce que l’enfant qu’on a mis au monde est mal éduqué qu’on le vend quelque part. On prend d’abord les dispositions pour trouver les solutions, améliorer son comportement et le mettre enfin sur le marché. »

Le gouvernement, mauvais payeur

Le ministre Aboubacar Camara accuse le non-paiement des factures d’électricité par les départements ministériels, comme l’un des principaux obstacles à la gestion efficace du secteur. « Quand je prends le coût du kilowatt/heure qu’EDG achète pratiquement à 2 400 GNF et qu’elle revend à 800 GNF, ce n’est pas favorable… Pour l’ensemble des ministères, les factures sont enfouies dans notre département. De janvier dernier à juillet 2024, aucun département ministériel n’a payé sa facture. Qu’est-ce qui se passe au niveau du secteur de l’énergie ? C’est qu’on envoie toutes les factures chez nous que nous transférons à EDG. Elles sont ensuite transférées au ministère des Finances qui les envoie à la Banque centrale. Sur le papier, on vous dira que le budget du ministère de l’Energie est de 300 millions de dollars. Ce ne sont que de simples écritures. En réalité, ces fonds, comparés à la faisabilité, c’est autre chose. »  Le ministre insiste sur la réforme du secteur de l’énergie, car « les documents existent, nous devons être courageux pour leur application ». C’est tout dire.

Depuis l’explosion du principal dépôt d’hydrocarbures du pays le 17 décembre dernier, la Guinée connaît une recrudescence d’incendies. Dans les concessions, les courts-circuits sont souvent pointés du doigt. Aboubacar Camara minimise la responsabilité de l’entreprise EDG. « A ce niveau, le travail de l’EDG, c’est d’apporter de l’électricité jusqu’à un niveau, l’installation du bâtiment n’est pas le travail de la société», a-t-il précisé. Pour atténuer ces incidents, le ministre de l’Énergie propose de « certifier des sociétés pour l’installation des bâtiments ; travailler avec les Centres de formation professionnels pour aider les ménages dans la certification des installations électriques. » Il propose aussi qu’il y ait au « ministère du commerce une loi qui encadre l’importation des matériels électriques. » Aboubacar Camara prévient que si on n’a pas le bon matériel qui correspond à l’énergie fournie, il peut y avoir de l’incendie.

Abdoulaye Bah