Le 12 juin, deux commissaires de la HAC déclaraient dans “l’euphorie” que la junte du CNRD ne reculerait devant rien pour conserver le kibanyi présidentiel. Depuis, Sadiba Koulibaly est mort, Foniké Menguè et Billo Bah du FNDC ont disparu. Comme par hasard.

« Daa magnin » (la bouche est mauvaise), disent les Malinkés. Et c’est en pays malinké que le 12 juin, Djénè Diaby mettait en garde les Guinéens contre leurs dirigents: « Ces gens-là se foutent de la loi, martelait-elle. C’est la force qu’ils connaissent. Ils sont prêts à tout pour conserver leur pouvoir. Quiconque se dresse sur leur chemin, même si c’est leur mère, ils vont t’égorger. Le pouvoir, c’est comme ça, il n’a pas d’ami ». La commissaire sans grade de la Haute autorité des cancans (HAC), flanqué de son collègue Ibro Tawel Cas-marrant, s’exprimait en ces maux devant un parterre de journaleux à Kankan. Elle expliquait à ses interlocuteurs les deux sous de la fermeture des médias privés Djoma, Espace, Evasion et FIM par la junte du CN-Erre-D.

Crime de lèche-Majesté

Suspendus jusqu’à nouvel ordre pour « faute bourde » par la HAC, où ils sont interdits de séjour pendant la durée de leur sanction, puis condamnés à huit mois de prison (dont sept mois avec sursis) pour « diffamation » contre le gêné-râle Mamadi Doum-bouillant, les deux commissaires ont dû se confondre en excuses et se dédire. A la barre du tribunal de Kaloum, le 19 juin, ils ont juré, la main sur le palpitant, avoir cédé à « l’euphorie ». Même que leur langue a glissé. Sûrement pour atténuer le courroux des en-hauts-de-en-haut et tenter de limiter les dégâts.

Sauf que, la parole est un peu comme une balle : une fois sortie du canon, impossible de la rattraper. Et les propos jugés diffamatoires ne tarderont pas à se révéler prémonitoires. Moins d’une semaine après, les Guinéens apprenaient, hébétés, la mort en détention, dans des conditions troubles, du général Sadiba Koulibaly. Décès survenu le 22 juin, constaté le 24 et qui « pourrait être imputable à un psycho-traumatisme important et à un stress prolongé qui sont à l’origine d’une arythmie cardiaque majeure ayant entraîné une défibrillation et un arrêt cardiaque », selon les conclusions de l’autopsie. Même Toto sait qu’avec des autopsies, on mettrait Paris dans une bouteille.

Ainsi, des petits malins jurent sur tous les seins que l’ex-chef d’état-major général désarmé, numéro deux de la junte, a payé pour avoir tenté de « se dresser sur le chemin » du Colosse. Vrai ou faux, c’est en tout cas ce genre de rue-meurt qui pillule dans la cité. Mais voyons la fuite des événements. Le 9 juillet, moins d’un mois après la sortie au vitriol des commissaires de la Haute autorité de la complication, à Kankan, des leaders du Front national pour la dépense de la constitution (FNDC) sont nuitamment cueillis à domicile. Les Farces spéciales, aidées de pandores et de civils, sont pointés là aussi comme étant les ravisseurs. Ah encore, ces jaloux !

Trois semaines après, on est toujours sans nouvelle d’Oumar Sylla alias Foniké Menguè et de Mamadou Billo Bah, respectivement coordinateur et responsable des antennes et de la mobilisation du FNDC. Hormis celle donnée par Mohamed Cissé, rescapé du rapt.

« Nous sommes prêts à tout »

Ce dernier, qui pilote l’antenne du FNDC de Matoto, a narré dans une série de vidéos relayées sur Facebook leurs périgrinations, ponctuées d’injures, de coups de pieds, poings et crosses. De chez Foniké Menguè à Commandanyah (Dixinn), à l’Escadron numéro 2 de la gendarmerie de Hamdallaye, au Palais Mohammed V jusqu’à l’île de Kassa, où ils auraient été détenus dans une prison semblable au Pénitencier de Fotoba, construit en 1905 pour détenir les résistants à la pénétration coloniale. En piteux état, Cissé a été ramené à la présidence, puis au Haut commandement de la gendarmerie, après une courte escale dans une caserne militaire, selon son témoignage.

« Tu n’as pas voulu collaborer, lui aurait lancé une voix au téléphone qu’il jure être celle du général Balle Samoura. On t’a posé des questions, tu n’as pas répondu. Tu te mêles à des mouvements en te sacrifiant. Qu’est-ce que tu as gagné ? Sachez que nous sommes prêts à tout. Tout ce que vous fomenterez sera voué à l’échec ». Et peu après l’arrestation des activistes, un autre bidasse leur aurait rafraîchi la mémoire en ces maux : « Vous étiez en prison. Le 5 septembre, on vous a libérés et vous continuez encore à semer la pagaille. Voulez-vous inciter le peuple [à se retourner] contre le régime ? Vous allez le regretter, on va arracher toutes vos dents. »

Récapitulons : « Quiconque se dresse sur leur chemin, même si c’est leur mère, ils vont t’égorger » ; commandant pandore : « Sachez que nous sommes prêts à tout » et bidasse : « Vous allez le regretter, on va arracher toutes vos dents. » Voyez-vous comment le hasard est bizarre ?! Une simple diffamation est devenue prémonition. À tension à nos bouches, hein ! Avant qu’on nous les boucles, décret ou de force. A fakoudou !

Diawo Labboyah