Voici une semaine que Dansa Kourouma et son CNT chéri ont remis au peuple de Guinée le cadeau suprême attendu : l’avant-projet de constitution qui, une fois adopté, mettra fin à leur existence institutionnelle. Une fois n’est pas coutume, on peut applaudir un train qui arrive à l’heure ; mais attendre, les yeux sur l’Histoire, le sifflet de départ pour la prochaine destination. Avec une attention particulière sur la vraie identité des passagers. Les trains nous ont toujours roulés pour impacter négativement les diverses étapes de notre parcours historique. Occasion sera certainement donnée de revisiter l’œuvre du CNT, version Dansa. Mais force est de reconnaître que la Guinée aura été plutôt bien pourvue en matière de textes législatifs.

Si en 2024, nous continuons à enregistrer d’énormes déficits de gouvernance faite de justice, de liberté, d’équité, de démocratie, ce n’est pas vers le dictionnaire que nous devons nous tourner, mais vers une introspection approfondie. Certes, le train de Dansa est arrivé à l’heure ; repartira-t-il à l’heure, avec les bons passagers ? L’Histoire nous attend-là, toutes antennes dehors.

De constitutions, on n’a pas manqué. Nous en sommes à la 6è, je crois. La première date du 10 novembre 1958, avec 2 046 mots, 53 articles, dont un seul consacré au chef de convoi, le chef de l’État, le Président Ahmed Sékou Touré. Ce train de la transition ne pouvait pas ne pas être à l’heure pour ramasser les bagages que le colon avait abandonnés. La transition ne pouvait alors excéder 40 jours. Surtout que dans l’euphorie de la liberté recouvrée, « tout le monde, il est beau, tout le monde il est gentil.» Quand arrive la 2è constitution, le 14 mai 1982, les carottes sont déjà cuites pour la gouvernance et la liberté. Georges Orwell est passé par là. Le Parti-État montre que les uns sont plus égaux que les autres. Le pays change de nature sans référendum. Toutes les têtes sous le même bonnet, soumises aux caprices des délateurs du Responsables Suprême de la Révolution, la seule âme qui vive en « République » de Guinée. La constitution consacre ses 93 articles à la grandeur de Sékou Touré dont les crimes les plus odieux ne peuvent sortir que légalisés.

Surviennent la mort du Tyran et la 3è constitution ; celle du 23 décembre 1990. Le CTRN fait ce qu’il peut pour restaurer l’ordre dans un pays en lambeaux. Résultat : un système hybride, un mélange de république sur papier et de royaume dans les faits. La constitution s’y adapte à merveille : 95 articles, dont 21 sur le pouvoir quasi absolu du patron de la locomotive. Apparaissent cependant deux nouvelles figures pour raffermir le sifflet. La primature, pour aider le chef, la Cour Suprême pour suivre les actes du pouvoir. L’un se révèle domestique, l’autre valet,  l’opposition, ennemie dans ce genre de république.

Il faudra attendre la constitution de 2010 et ses 162 articles pour essayer de rehausser tout cela. Mais Alpha, dans sa conquête du pouvoir, réussit à noyauter le Parlement de Rabi pour assouvir son éternelle soif de « règne démocratique. » A Sékhoutouréya, il succombe à la mélodie des sirènes révisionnistes. En 2020, il crache une constitution clandestine jusqu’au coup de sifflet de Mamadi Doumbouya, le 5 septembre 2021. On n’attend plus que le CNRD pour connaître dans quelle sauce sera mangée la Constitution de Dansa, forte de 9 135 mots dont 1 167 rien que sur l’Exécutif.

Diallo Souleymane